Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/143

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nous point libres de changer notre vie ? Nous voilà d’accord pour reconnaître que notre luxe, notre oisiveté, nos richesses, et, principalement, notre orgueil font que nous vivons isolés au milieu de nos semblables et nous mènent à notre perte. Afin d’être célèbres et riches, nous devons nous priver de tout ce qui fait la joie de la vie humaine. Nous vivons entassés dans les villes où nous étouffons, nous nous amollissons, nous ruinons notre santé, et, malgré tous nos amusements, nous mourrons d’ennui et du regret que notre vie ne soit pas telle qu’elle devrait être.

Pourquoi donc vivre ainsi ? Pourquoi perdre ainsi notre vie, ce bien que nous tenons de Dieu ? Je ne veux plus vivre comme autrefois. J’abandonne les études commencées, elles ne me mèneront à rien d’autre qu’à cette même vie pénible dont nous tous nous nous plaignons maintenant. Je renoncerai à ma propriété ; j’irai vivre à la campagne avec les pauvres ; je travaillerai avec eux ; j’apprendrai les travaux manuels, et si les pauvres ont besoin de mes connaissances, je les leur communiquerai, et cela non à l’aide d’institutions et de livres, mais en vivant avec eux en frères. Oui, je l’ai résolu ainsi, dit-il, en jetant un regard interrogateur sur son père qui était présent.

— Ton désir est excellent, dit le père, mais léger et irréfléchi. Tout te paraît si facile parce que tu ne connais pas la vie. Il y a tant de choses qui