Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/72

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Tout à coup l’idée lui venait de transporter tout cet établissement avec les albums, dans un coin du salon, tout près des fleurs. Il sonnait le domestique ; ou bien sa femme et sa fille venaient à son secours. Elles n’étaient pas de son avis et le contredisaient ; lui, discutait, mais tout allait bien tant qu’il ne songeait pas à elle, tant qu’elle n’apparaissait pas.

Pendant qu’il déplaçait les meubles, sa femme lui disait.

— Laisse faire les domestiques, toi tu te feras encore mal. Et soudain elle apparaissait à travers l’écran, et il la voyait. Elle apparaissait. Au premier moment, il espérait qu’elle allait disparaître ; mais, malgré lui, il pensait à son mal : toujours la même chose, la même douleur lancinante, et il ne pouvait plus l’oublier. Il la distinguait nettement derrière les fleurs. À quoi bon tout cela ? « Oui, j’ai perdu ma vie pour ce rideau, comme dans une bataille. Est-ce possible ? Que c’est terrible et stupide ! Non, cela n’est pas possible !… C’est impossible et cependant cela est ! »

Il revenait dans son cabinet, se couchait et restait seul avec elle, face à face avec elle. Mais il n’avait rien à faire avec elle, que de la regarder et frémir d’épouvante.