Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/124

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Il épousa, en 1842, l’archiduchesse Adélaïde d’Autriche. Il prit part, à côté de son père, comme le petit Sarrebruck, à la bataille de Goïto et à celle de Novare, et toujours comme le petit Sarrebruck, y reçut une balle pendant le combat. La seule différence, c’est qu’il la reçut directement dans la cuisse, tandis que le petit Sarrebruck la reçut dans le creux de la main de l’un de ses aides-de-camp, qui était allé la lui ramasser à une demi-lieue de là, sur le champ de bataille. — Complétement battu à Novare, son père abdiqua le soir même en sa faveur, pensant que Radetzki ferait des conditions plus douces au petit et se souviendrait, dans son triomphe, de la chanson de Thérésa : C’est pour l’enfant !… Radetzki connaissait ce truc par cœur ; aussi, il ne se gêna pas beaucoup, et Victor-Emmanuel monta sur le trône dans les avantageuses conditions d’un négociant qui reprend la suite d’un établissement avec un arriéré de quinze termes. — Cependant, il ne se rebuta pas ; aidé d’intelligents ministres, surtout de M. Cavour, il signa la paix avec l’Autriche et se mit immédiatement à réorganiser les fiances, l’armée et l’instruction publique. Ayant eu la chance de ne pas trouver dans ses jambes trop de Pouyer-Quertier ; de Thiers et de Jules Simon, la réorganisation put marcher assez vite. — Victor-Emmanuel resta fidèle au système de la monarchie constitutionnelle avec toutes les libertés que cette forme comporte — ce n’est pas encore le diable ; mais c’est mieux que rien. — Il ne dissimula pas ses tendances à s’asseoir, avec tout le respect auquel ils ont droit, sur les priviléges du clergé ; il enleva aux corporations religieuses le monopole de l’enseignement, et ne se crut pas obligé de faire empaler les réfugiés politiques qui se retiraient sur son territoire. Ces façons d’agir ne devaient pas tarder à donner des attaques d’apoplexie à Pie IX qui, dans un mouvement d’humeur, lui vida sur la tête toute sa fiole aux excommunications. Heureusement que depuis déjà pas mal de temps, si ça tache, ça ne brûle plus du tout. Victor-Emmanuel, se voyant excommunié d’une façon si furieuse, eût pu s’écrier en versant des larmes : Oh ! mon Dieu !… qu’est-ce que je vais devenir ?… Il se raidit, prit la chose du bon côté, et se dit simplement : c’est ça qui m’est un peu égal !… Il répondit courageusement au pape : Très-saint Père !… j’ai reçu votre honorée bulle du quinze du courant… Si vous voulez vous rendre un compte exact de l’effet qu’elle a produit sur mon âme, vous le pouvez en posant un Rigollot sur le pied de votre fauteuil quand vous aurez une douleur dans le dos. Victor-Emmanuel envoya 17 000 hommes qui combattirent à nos côtés en Crimée. C’était une petite politesse intéressée qu’il faisait à Napoléon III dont il pensait avoir besoin plus tard. À cette époque, Victor-Emmanuel perdit presque à la fois sa mère, sa femme, son père et un de ses enfants. Le parti clérical ne laissa pas échapper cette superbe occasion de crier partout que c’était l’effet de l’excommunication qui commençait à se produire ; nous n’en serions pas étonné, puisqu’il paraît que l’on peut mourir de rire. En 1855,