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ADU ADU


d’adultère. Dimarus dit qu’en Pologne, avant que la Religion Chrétienne y fût établie, on punissoit l’adultère & la fornication d’une manière singulière. On amenoit au pont du marché le coupable, & là on l’attachoit avec un clou par la bourse des testicules ; on mettoit un rasoir près de lui, & on le laissoit dans la malheureuse nécessité de se faire justice lui-même, ou de mourir en cet état. Chez les Partes, les Lydiens, les Arabes, les Athéniens, ceux de Plaisance, & les Lombards, la mort a toujours été la punition de l’adultère : mais les Lacédémoniens au lieu de le punir, le permettoient, ou du moins le toléroient, au rapport de Plutarque. Chez les Egyptiens, après que l’homme qui en étoit convaincu avoit reçu mille coups de fouet, on coupoit le nez à la femme. En France, quoique le crime n’ait jamais été impuni, la diversité des Arrêts fait voir que la peine a toujours été arbitraire : on se règle sur la qualité des personnes, & sur l’éxigence des cas. On appelle un double adultère, celui que deux personnes mariées commettent ensemble. Enfant né d’un double adultère. Les Grecs, & même toutes les autres Sociétés Chretiennes du Levant, sont dans cette pratique, que l’adultère rompt le lien du mariage ; ensorte qu’en ce cas-là, & même en plusieurs autres, le mari peut épouser une autre femme. Ils s’appuient pour ce qui est de l’adultère, sur ces paroles de Jesus-Christ au Chap. 19. de S. Matthieu v. 9. Quiconque répudie sa femme hors le cas d’adultère, & en épouse une autre, devient adultère. Ce fut pour cette raison que les Ambassadeurs de Venise présentèrent une Requête, afin qu’on trouvât quelque tempérament au Canon qu’on étoit prêt de publier contre ceux qui disoient que l’adultère rompoit le mariage. Ce qui fit agir la République en cette occasion, c’est qu’elle avoit dans sa dépendance les Grecs de Candie, de Corfou, de Zante, & de quelques autres lieux ; & ces Grecs sont tous dans un usage conforme à celui que le Concile vouloit condamner. On donna dans le Concile satisfaction aux Ambassadeurs de Venise, parce que leurs raisons furent trouvées bonnes, comme le Cardinal Palavicin en demeure d’accord dans son Histoire du Concile de Trente. Il faut néanmoins avouer que les Grecs & les autres Chrétiens d’Orient rompent trop facilement leurs mariages, sous prétexte de se conformer en cela aux Loix Canoniques & Civiles.

C’est trop peu dire ; le sentiment qu’on vient de rapporter est absolument faux. Les paroles de S. Matthieu ne prouvent point que le mariage consommé puisse être dissous par l’adultère, elles prouvent même tout le contraire. En effet, ces paroles (Quiconque renvoyera sa femme, si ce n’est pour cause d’adultère, ou hors le cas d’adultère, & en épousera une autre, devient adultère,) prouvent seulement qu’en cas d’adultère la partie innocente peut se séparer de la partie coupable ; mais non pas qu’elle puisse se marier à une autre, & que le premier mariage soit dissous. La séparation n’emporte point cette dissolution, les paroles suivantes démontrent même le contraire ; car si le mariage est dissous, comment le mari innocent répudiant cette femme coupable la rend-il adultère, ou l’expose-t’il à l’adultère ? Bien plus, Jesus-Christ ajoûte : Et celui qui l’épousera après que son mari l’aura renvoyée, commet un adultère, ou devient adultère. Si le mariage est dissous, cette femme n’a plus de mari : comment donc celui qui l’épouse est-il adultère ? En un mot, il y a deux parties dans la proposition de Jesus-Christ. 1°, Renvoyer sa femme, ou la répudier. 2°, En épouser une autre. C’est après la première partie, & avant que d’avoir rien dit de la seconde, que Jesus-Christ ajoûte la restriction ; hors le cas d’adultère ; & par conséquent cette restriction ne tombe que sur cette première partie, & nullement sur la seconde, dont Jesus-Christ n’a point encore parlé. Et ainsi, quiconque en épouse une autre, en quelque cas que ce soit, & même lorsque la première est tombée en adultère, devient adultère lui-même. Au contraire, l’arrêt ou la décision de Jesus-Christ, Moechatur, il devient adultère, tombe également sur l’une & sur l’autre partie séparément ; & c’est une proposition complexe, qu’il faut réduire à ces deux propositions-ci. Celui qui renvoie sa femme hors le cas d’adultère est adultère : Celui qui en épouse une autre est adultère : parce qu’elle doit être réduite à ces deux propositions, Jesus-Christ a dû ajoûter après la première partie la restriction qu’il ajoûte, hors le cas d’adultère ; car sans cela la première proposition seroit celle-ci : Quiconque renvoie sa femme est adultère, ce qui ne seroit pas vrai : puisqu’il est des cas où l’on peut la renvoyer. Mais par la même raison que ce sont deux propositions, nous ne pouvons transporter à la seconde la restriction que Jesus-Christ n’a mise qu’à la première. Il est de la nature de la restriction, & de l’intention de celui qui la met, de ne la faire tomber que sur les paroles auxquelles il l’ajoûte ; & il est contre tout usage de la transporter à d’autres. C’est en effet la Doctrine des Pères. Voyez S. Augustin, L. II. de adult. conj. c. 13. Innocent I. ep. ad Exup. Le second Concile de Milève en 416. Le


Concile d’Elvire Can. 9. le Concile de Florence, ou Eugène IV. Inst. ad Arm. Et enfin le Concile de Trente Sess. XXIV. Can. 7. l’enseigne expressément. On ne changea rien dans le Canon du Concile de Trente pour le fond de la Doctrine. Les Ambassadeurs de Venise ne le demanderent pas même, comme il paroît par l’Histoire du Cardinal Palavicin, L. XXII. C. 4. §. 27. mais seulement ils prierent qu’on changeât le tour qu’on avoit donné au Canon, & qu’on l’adoucît. Voilà toute la satisfaction que Palavicin convient qu’on donna aux Vénitiens ; on ne changea rien à la Doctrine. Le Concile, dans le Canon tel qu’il est, condamne manifestement le sentiment des Grecs. Car 1°, il dit anathème à quiconque dira que l’Eglise erre en enseignant que le mariage ne se dissout point pour cause d’adultère ; & selon la remarque de Frapaolo lui-même, & de plusieurs Pères du Concile, il n’y a point de différence réelle entre dire cela, & dire anathème à quiconque enseignera que le mariage se dissout par l’adultère. 2°. Le Concile déclare que sa Doctrine contradictoire à celle des Grecs, est la Doctrine de l’Evangile & des Apôtres, Evangelicam & Apostolicam Doctrinam. Une Doctrine n’est-elle pas hérétique quand elle est contraire à celle de l’Evangile & des Apôtres ?

Adultère, est aussi adjectif, & se dit de celui ou de celle qui commettent l’adultère. Adulter, Adultera. Un adultère public doit être privé de ses Bénéfices.

Faut-il que sur le front d’un profane adultère,
Brille de la vertu le sacré caractère ? Racin.

Solon croyoit que la plus grande peine qu’on pût ordonner contre les femmes adultères, étoit la honte publique. Le Mait. A Rome on mutiloit l’adultère surpris en flagrant délit ; & par cette punition le mari pourvoyoit à sa sureté pour l’avenir. Dac. Jesus-Christ ne voulut pas condamner la femme adultère. S. Thomas, Quest. 154. dit que ce mot vient, quòd aliquis accedat ad alteram. La Marre dans son Traité de la Police, L. III. Tit. V. C. I. dit que c’est quasi ad alterius thorum accessio. On disoit en vieux François, Avoultre, & on dit encore en Basse Bretagne Avoultre, pour signifier la même chose. J’aimerois mieux dire que la signification propre & primitive du Latin, adulterare, est, corrompre, mêler, ajoûter à quelque chose une matière étrangère ; qu’ensuite par métaphore on l’a appliqué à l’infidélité dans le mariage, parce qu’elle mêle & confond les enfans & les familles.

Les Astronomes appellent adultère du soleil & de la lune, leurs éclipses, quand elles se font en quelque manière contre les règles de l’astronomie, comme il arrive aux éclipses horisontales. Car quoique le soleil & la lune soient diamétralement opposés, ils ne laissent pas de paroître en même-temps sur l’horison. On en a vû une à Paris le 16. Juin 1666. On tient que de semblables éclipses doivent arriver tous les 19. ans. 1°. L’adultère du soleil & de la lune n’est point un terme Astronomique, du moins je ne sache point que les Astronomes s’en servent. Je ne reconnois point pour Astronomes des charlatans qui se mêlent d’Astrologie judiciaire, & qui pourroient bien être les Auteurs de semblables termes. 2°. Les éclipses de lune horisontales ne sont point du tout contre les règles de l’Astronomie. Il n’y a point aujourd’hui de petit Astronome, qui ne sache que quoique la lune & le soleil soient pour lors diamétralement opposés, cependant la réfraction fait paroître l’un & l’autre plus élevés. Ainsi lorsque ces Astres sont précisément dans l’horison, la réfraction les fait paroître tous deux au-dessus de l’horison, l’un au couchant & l’autre au levant. 3°. Il est très-certain que non-seulement de semblables éclipses, mais aussi toutes les autres éclipses arrivent dans le même ordre & avec très-peu de changement au bout de 19. années, & un peu plus d’une heure. C’est là-dessus qu’est fondé le nombre d’or ou l’ennéadécaétéride de Méton l’Athénien. Il est vrai qu’on a trouvé que Méton s’est trompé, parce qu’il avoit compté qu’au bout de 19. ans juste les mêmes phases & les mêmes éclipses revenoient sans aucune différence ; & c’est pour cela que dans la réformation du calendrier on a abandonné, ou du moins corrigé le nombre d’or. Mais il est toujours certain que cette différence est très-petite ; & nous avons encore en Astronomie bien des pratiques fondées là-dessus. 4°. Cette différence, toute petite qu’elle est, suffit pour faire qu’une éclipse horisontale, qui revient à peu-près la même au bout de 19. ans & une heure, ne soit plus horisontale dans le même Pays ; parce que n’arrivant pas à la même heure, le soleil & la lune ne se trouvent plus dans l’horison, mais l’un dessus & l’autre dessous. Il est vrai cependant que dans le grand nombre d’éclipses qui arrivent pendant l’espace de 19. ans, il est difficile qu’il n’y en ait quelqu’une d’horisontale dans chaque Pays. Bien plus, il est très-vrai qu’il n’y a aucune éclipse de lune qui ne soit horisontale à l’égard de quelque endroit de la terre ; savoir, à l’égard de celui qui a pour


lors