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ABACO. s. m. Abacus. Ce mot se trouve dans Rouillard, pour signifier l’Arithmétique. Les Italiens disent aussi Abaco, pour exprimer la même chose. C’étoit une petite table polie, sur laquelle les Anciens traçoient des figures, ou des nombres. Elle servoit à apprendre les principes de l’Arithmétique. Ils l’appelloient Table de Pythagore.

Abaco chez les Italiens, & Abacus chez les Anglois, signifie aussi l’A, B, C, Abécé.

ABACOT. s. m. Ornement de tête que portoient anciennement les Rois d’Angleterre. Il avoit la forme de deux couronnes par en haut. Harris.

ABADA. s. masc. Animal farouche du pays de Benguela, dans la basse Ethiopie. Il ressemble à un cheval par la tête & par le crin. Il est un peu moins grand. Sa queue est pareille à celle d'un boeuf, excepté qu'elle est moins longue. Ses pieds sont fendus comme ceux du cerf, & plus gros. Il a deux cornes, l'une sur le front, & l'autre sur la nuque. Les Nègres tuent ces animaux à coups de flèche, pour en prendre la corne, dont ils font un remède.

ABADDON. s. m. C’est dans l’Apocalypse, c. 9. v. 11. le nom du Roi des Sauterelles. S. Jean explique lui-même ce qu’il signifie. Elles avoient pour Roi l’Ange de l’Abyme, qui s’appelle en Hébreu Abbadon, en Grec Appollyon (ἀπολλύων) & en Latin Exterminans. Tous ces mots signifient la même chose, chacun dans sa langue ; & Abaddon vient de אבד, Abad, perdre, exterminer.

ABADIR, ou ABADDIR ; car Priscien, qui nous a conservé ce nom, dit l’un & l’autre, & même ABDIR, selon la remarque de Vossius, De Theol. Gent. L. VI. C. 39. terme de Mythologie. C’est le nom d’une pierre que Saturne dévora. Car, soit que son frere Titanus ne lui eût cédé l’empire du monde, qu’à condition qu’il n’éleveroit point d’enfant mâle, soit que les destinées portassent qu’il seroit un jour détrôné par un de ses enfans, il les faisoit tous périr dès qu’ils étoient nés. Enfin Cybele, ou Ops sa femme le trompa, & lui fit avaler cette pierre, au lieu de l’enfant dont elle étoit accouchée. Vossius prétend que ce mot vient de Βαιθὶλ, Béthel ; car il faut remarquer que les Grecs appellent Βαίσυλος la pierre que Saturne dévora, au lieu de l’enfant que Rhée avoit mis au monde. Or on sait d’où vient ce mot Béthel, & ce qu’en dit Moyse dans la Genèse, XXVIII. 10. & suiv. Jacob allant en Mésopotamie, s’arrêta un jour près de Luza, ville des Chananéens, pour y reposer & pour y passer la nuit. Pendant son sommeil, il vit en songe l’échelle mystérieuse, & le lendemain comprenant qu’il étoit dans un lieu saint, il prit la pierre qui lui avoit servi d’oreiller, & l’érigea en monument, en y répandant de l’huile, & appella la ville voisine Béthel, c’est-à-dire, Maison de Dieu. Vossius, après avoir dit que cette pierre avoit été en si grande vénération chez les Payens, que quelques-uns lui avoient rendu les honneurs divins : ce qui fit que ce lieu qui s’appelloit Béthel auparavant, fut nommé depuis Béthave, Maison de mensonge, par les vrais Israëlites, qui eurent ce culte idolâtrique en horreur : Vossius, dis-je, observe que la connoissance confuse que les Payens eurent de cette pierre & de l’histoire de Jacob, leur fit dire que c’étoit cette pierre, que Saturne avoit dévorée au lieu de Jupiter, & ils la nommerent Βαίτυλος, du mot Hébreu Béthel. Puis, ajoutant un A au commencement du mot, & changeant L en R, ils ont fait Abadir. Il falloit ajouter, & changeant encore le th en d.

Tout cela n’est pas fort évident, & paroît bien forcé : ce n’est rien cependant en comparaison de la seconde étymologie. Toute cette fable de Saturne renferme, dit-on, des mystères qui se découvrent par le moyen de la langue Phénicienne, qui étoit alors en usage. En Phénicien Aben, en mettant un Aleph devant ben, comme font les Arabes, signifie également un fils & une pierre. Le mot Achal, dans les langues orientales, signifie tuer & manger : de sorte que pour dire que Saturne tuoit les enfans que Rhée lui faisoit remettre entre les mains, on a dit qu’il mangeoit des pierres. On a appellé ces prétendues pierres Abaddir : ce qui est un mot formé de ces deux, Aben-dir, qui signifient l’enfant d’un autre ; car dir peut être la même chose que zar, c’est-à-dire, alienus, parce que le daleth & le zaïn se changent facilement, & que l’on n’a aucun égard aux voyelles dans les étymologies orientales. En vérité il faut avoir l'estomac aussi bon que Saturne pourb digérer toutes ces choses. Comment s'ensuit-il que parceque les Arabes disent Ibu pour fils, les Phéniciens ont dit Aben ? Dans quelle langue orientale Achal signifie-t-il tuer ? Comment prouve-t-on que ceux qui ont les premiers inventé cette fable, parloient Phénicien ? Est-ce Cadmus & ses compagnons, qui l’ont apportée en Gréce ? Mais quel est ce Saturne qui tuoit tous ses enfans, & dont ces Phéniciens raconterent les aventures en Gréce ? Comment s’ensuit-il enfin que, parce que le ד & le ז se changent quelquefois en Chaldéen, & dans des siècles bien postérieurs, ils se soient changez de même dès le commencement en Phénicien ? On ajoute, les Grecs nomment cette pierre Βαίτυλος : ce mot vient de batal, ou batil, comme écrivent les Arabes, qui veut dire faux & méprisé : ce qui convient fort-bien, dit-on, avec l’histoire que l’on vient de rapporter, puisque les enfans que Saturne faisoit mourir, n’étoient pas de Rhée, mais apparemment de quelque esclave. Tout cela convient très-mal avec l'hisoire qu'on vient de rap-


porter : car, selon cette histoire, c'étoit les enfans même de Rhée que Saturne mangeoit. Enfin batal, dans le sens qu’on lui donne, est purement Arabe, il n’est point Hébreu : grand préjugé qu’il n’étoit point non plus Phénicien. Quel mélange monstrueux de prétendu Phénicien, de Chaldéen, d’Arabe !

Bochart, dans son Chanaan, L. II. C. 2. nous fournit encore une autre étymologie. Il dit que Abaddir est formé du Phénicien aben, pierre, & dir, sphérique ou rond. Il tire cette dernière signification non-seulement de l’Arabe, mais encore de l’Hébreu, où דור, dur, ou plutôt dour, signifie pila, une balle, & דר, dor, margarita, une perle, & par conséquent un corps rond. Il montre que ce nom convient à la pierre Βαίτυλος, ou abaddir, parce que Damascius & Pline nous apprennent qu’elle étoit ronde. Il faut louer les efforts de tous ces Savans, pour nous éclaircir une antiquité si reculée, sans se livrer aveuglément à toutes leurs opinions. Je m'étonne que personne n'ait dit que Abaddir venoit de abad perdre, & dour habitation, demeure. Car cette pierre fut cause qu'il perdit le Ciel, son séjour & sa demeure.

Priscien rapporte qu’Abaddir étoit aussi le nom d’un Dieu. Isidore dans ses gloses, & Papias témoignent la même chose : Et S. Augustin, écrivant à Maxime de Madaure, dit que les Carthaginois avoient des Dieux nommés Abadirs. Il semble que ce nom n’étoit pas un nom propre, mais un nom appellatif qu’on donnoit aux Dieux plus grands & plus considérables ; car Ab-addir sont deux noms purement Hébreux & Phéniciens, signifiant Pere magnifique. C’est ainsi que les Grecs ont distingué les Dieux & les Démons, δαίμονες ; & les Romains, Dii majorum gentium, & Dii minorum gentium.

ABAEUZ. s. m. & adj. Terme de Coutume. Biens Abaeuz. Bona vacantia. Il en est parlé dans l’ancienne coutume du Poitou. Ce sont, dit Ragueau, des biens vacans, ou les biens de ceux qui vont de vie à trépassement, & ne délaissent aucuns parens ou lignagers qui leur doivent ou veuillent succéder ; auquel cas lesdits biens appartiennent au Bas-Justicier, en la Seigneurie duquel lesdits biens étoient au temps de son décès, si le défunt n’avoit testamenté, ou autrement ordonné de ses biens.

ABAJOUR, s. m. Terme d'Architecture, Spiraculum, espèce de fenêtre en forme de grand soupirail, dont l'embrasement de l'appui est en talus, pour recevoir le jour d'en haut. Il sert à éclairer les offices & les étages souterrains. Les Marchands ont d'ordinaire un abajour dans leurs magazins ; la lumière sombre qui entre par là efface moins le lustre de leurs étoffes. On appelle aussi abajour la fermeture en glacis d'un vitrail d'Eglise ou de dôme, qui se fait pour en raccorder ou réunir la décoration intérieure & extérieure.

Ce mot est composé du verbe abattre & du nom jour, & signifie une chose qui abat, c'est-à-dire, qui diminue, qui affoiblit le jour, ou la lumière, ou qui le fait descendre du haut en bas. On fait aussi des abajours en appliquant aux fenêtres ordinaires des planches de bois, qui joignant la fenêtre & la fermant par en bas & s'en éloignant par en haut, font que le jour n'entre que de ce côté là.

Abajour. s. m. Terme de Botanique. Spiraculum. Les Botanistes se servent de ce terme d'Architecture, pour exprimer certaines ouvertures qui sont placées sous le chapiteau du fruit de quelques espèces de pavots. Tournef. Elem. Bot.

ABAISER, v. a. Vieux mot qui signifie Appaiser. Sedare, componere.

 Mais ne pot souffrir tel desroi,
Pallas qui la noise abaisa.

ABAISSE. s. m. terme de Pâtissier. C’est la pâte qui fait le dessous d’une pièce de pâtisserie.

ABAISSEMENT. s. m. Diminution, retranchement de hauteur. Depressio. L’abaissement de ce mur, qui ôtoit la vûe à cette maison, l’a bien égayée.

Abaissement, se dit figurément en choses morales, pour humiliation, diminution de crédit & de grandeur ; diminution de mérite, ou de réputation ; état d’avilissement & de misère. Demissio, submissio. L’abaissement devant Dieu est le plus nécessaire des devoirs du Chrétien. Cette pieuse princesse travailloit à humilier sa grandeur par des abaissemens volontaires. Flech. On approuve tout ce que disent les Grands par un abaissement extérieur de l’esprit, qui plie sous le faix de leur grandeur. Port-R. Les ambitieux veulent exciter des mouvemens de terreur, de respect & d’abaissement sous leur grandeur. Port-R. Il déchiroit la réputation de ces grands hommes, comme si leur abaissement contribuoit à sa gloire. Ablanc. Jesus-Christ a paru sur la terre dans


dans