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ABO. ABO. ABO.


ne. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber.

Abus, signifie aussi, Erreur, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des Bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François Premier, par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.


Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent. J’ai pris cet auteur pour un autre, je me suis abusé en le citant.

Abuser, signifie plus particulièrement, Suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trompeur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d’Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c’est le placer mal ; c’est en faire une mauvaise application ; c’est le prendre improprement.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce :Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTILLON, s. m. Plante. Son tronc est rond, un peu dur, haut de deux ou trois coudées. Ses feuilles sont larges, rondes & assez semblables à celles de la courge. Ses fleurs sont de couleur jaune ; son fruit est rond, & noir. Il y a quelques modernes qui se servent de la graine de cette plante contre la gravelle. De M.

ABY.

ABYsME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abimes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc. Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose.

Abîme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abyme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abimes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abime du néant. Ablanc. Le passé est un abime qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abime impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abime de malheurs. Cet homme est un abime de science. Le cœur d’un avare est un abime que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abime de misère où le péché nous a plongez. Port-R.

Abîme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abime. Qui pourra mesurer la profondeur de l’&abime ? On dit aussi, C’est un abime de maux, de souffrances, de malheurs.

Abîme, se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abime. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abime, On dit en proverbe, qu’un abime attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abîme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, ensorte que la pièce qu’on y met ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abime. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abime, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abîmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abime. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abîmée.

Abîme, est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mèche.

ABYsMER. v. act. Jetter dans un abîme, y tomber, se perdre, se noyer, In gurgitem demergere. Les Ouragans abîment les vaisseaux. Ce terrein s’est abimé, il y avoit dessous une carrière. Il est quelquefois neutre : Cette ville abimera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abime.

Abimer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abîmé ce marchand. Ce chicaneur a abîmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abîmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abîme dans les plaisirs. Acad. Fr. C’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abîmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abîme, parce qu’il s’y applique profondément. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abîmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abîmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abîmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation.

Abîme’, e’e, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abîmées par les tremblements de terre. Un joüeur abîmé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

ABYSSINS, ou plutôt Abassins ou Hhabassins, comme prononcent les Arabes, sont des peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’huy nommée Abassie. Ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoye le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui reside au Caire, desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Sçavans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslebe qui a rapporté le Canon dans son histoire de l’Eglise d’Alexandrie, chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670. Les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres de vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur


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