Page:Trevoux - Dictionnaire , 1704, T01, A-Cenobitique.djvu/16

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PREFACE.


& l’usage des meilleurs Ecrivains, en luy laissant la liberté de s’y conformer, s’il le juge à propos ; & c’est ce qui flatte sa vanité. Enfin, il regarde les uns comme des Juges superieurs qui donnent des Arrêts, & qui veulent qu’on s’y soumette sans autre discussion ; au lieu qu’il considere les autres comme des amis éclairez, qui déliberent avec luy, si l’on peut user de telle expression, sur la foy & sur l’autorité de tels & tels Auteurs qui en ont usé ; ce n’est point une loi qu’on luy fait ; c’est un avis qu’on luy propose ; c’est un conseil qu’on luy donne, & auquel il se rend d’autant plus volontiers, qu’il semble le faire avec moins de contrainte.

On ne prétend point se faire icy un mérite auprès du Public, d’avoir suivi cette derniere méthode dans le nouveau Dictionnaire qu’on luy présente, puisque, comme je l’ai remarqué, on n’a pû se dispenser de la suivre ; mais si l’on a lieu de se promettre quelque faveur auprès de luy, c’est uniquement sur le soin & l’application qu’on a apporté à rendre cet Ouvrage plus complet, plus étendu & plus correct qu’aucun de ceux qui ont paru jusqu’icy en ce genre. Ce qu’on en dit, au reste, n’est point pour diminuer en rien la gloire de ceux qui ont travaillé aux autres Dictionnaires ; ils sont tous très-louables dans ce qu’ils ont fait, & très-excusables dans ce qui leur a échapé. Il n’est presque pas possible de finir absolument ces sortes d’Ouvrages. Si nous avons esté plus loin que les autres, nous ne nous flattons pas pour cela que personne ne puisse aller plus loin que nous ; mais je ne crois pas qu’on trouve à redire que nous croyions estre approchez de plus près que les autres, de ce point de perfection que tous se proposent, & où il est difficile de parvenir. Ceux qui viennent les derniers, ont un grand avantage sur ceux qui les ont precedé, en ce qu’ils peuvent profiter de leurs lumieres, quelque différence qu’il y ait dans la méthode qu’on suit, & dans la maniere d’exposer les choses. Car, quoy-qu’on travaille sur le même fond, on ne suit pas toujours la même route, & l’on ne se tient pas toujours dans les mêmes bornes ; & si l’on convient pour le principal, on ne convient pas quelquefois pour le détail, & pour le tour & l’explication. C’est ce qui fait que cette multiplicité de Dictionnaires, loin d’estre onéreuse au Public, luy est au contraire d’un grand avantage & d’un grand secours, en ce qu’elle luy fournit de nouvelles autoritez, & qu’en confrontant ensemble ces Livres différens, on n’a point de peine à se rendre sur les point dont ils conviennent. Que s’il s’en trouve sur lesquels ils ne soient pas d’accord, on peut peser leurs raisons & leurs autoritez, & l’on se voit en état d’en juger par soy-même, & de prendre le parti qu’on juge le meilleur, tout bien considéré.

Ce qu’on peut dire en général de ce nouveau Dictionnaire, c’est qu’il n’y en a peut-estre point qui porte avec plus de justice le titre de Dictionnaire Universel. Car quoy-qu’on se soit attaché à exposer de la maniere la plus précise & la plus courte qu’on a pû, tout ce qui est renfermé sous ce titre, cependant il est certain qu’il embrasse universellement tout ce qui a quelque rapport à la Langue, & qu’il n’exclut que les faits purement historiques. Ainsi, quoy-qu’on n’ait point fait une longue énumeration de toutes les Sciences & de tous les Arts, dont ce Dictionnaire explique les notions & les termes, on conçoit aisément qu’ils sont tous compris sous ce titre général de tout ce que renferment les Sciences & les Arts, soit liberaux, soit mecaniques.

On y trouvera en effet tout ce qui regarde la Philosophie & chacune de ses parties, comme la Logique, la Métaphysique, la Physique, & tout ce qui peut servir à l’explication des experiences, par le moyen desquelles on a si fort perfectionné cette derniere science dans le siecle passé. J’en dis de même de la Théologie, des Mathematiques, de la Médecine, de la Jurisprudence, & de tous les Arts, sans m’étendre plus au long sur chacun en particulier, & sur tout ce qui les regarde, dont le détail ne serviroit qu’à charger inutilement une Preface, sans que le Lecteur s’en trouvast plus instruit. D’ailleurs, comme les autres Dictionnaires, qui se donnent pour Universels, promettent à peu près la même chose, & que celuy-cy ne peut avoir d’autre avantage sur eux de ce costé-là, que celuy de les surpasser en effet par une plus grande exactitude, j’aime mieux me retrancher à ce qu’il y a de particulier, & à ce qui le distingue essentiellement des autres, & pour la matiere & pour la forme.

Je dirai donc d’abord que ce qui fait proprement son caractère distinctif, & ce qu’il


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