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les moines

Et les échansons vifs passent, le bras orné
De la sveltesse en col de cygne des aiguières.

Dans l’attente et l’odeur du repas atourné,
Les abbés, écoutant les vœux et les prières
Que leur fait à genoux l’orgueil de leurs vassaux,
S’imprègnent de l’encens des lourdes flatteries.

La fête se prolonge au loin sous des arceaux
De guirlandes d’argent et de piques fleuries.
Le long des chemins verts, près des gueules des fours,
Des soldats, cuirassés d’acier et de lumières,
Campés sur leurs chevaux, au coin des carrefours,
Pointent leurs casques bleus sous un vol de bannières ;
Le soleil estival mord le fond d’un torrent,
Allume les rochers et fait craquer les chênes ;
Dans les hameaux, tout un peuple tintamarrant
Se prépare, brutal, aux kermesses prochaines,
Où son rut roulera comme un fleuve au travers,
Et des étalons roux, la prunelle élargie,
Le ventre frémissant et les naseaux ouverts,
Tendent leurs cous gonflés du côté de l’orgie.