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mes hôpitaux

triotique ! Pauvres grands cuirassiers de Reischoffen, douloureuse Alsace-Lorraine, toute belle et toute pure figure de Marceau, du moins soyez cléments à « vos chantres » dans ces demeures, à la pensée d’ailleurs, que ce sont des pauvres, des infirmes, des souffrants, des simples pour la plupart, sincères dans le choix de leurs « numéros » ; peut-être bien aussi qu’il y a parmi eux quelque survivant de la charge épique, dont pleure, encore toute fière, la patrie ; que ce gamin qui braille : « Il est mort ce soldat stoïque » a, dans sa giberne de scolot, la feuille du collet et les étoiles de la manche, que ce bon garçon à l’accent tudesque est un déserteur de l’armée du Reichland…

Mais quelle est cette voix ? Le poète la connaît et ne la connaît pas, ou réciproquement. La fausse lumière, non pas de la rampe, car il n’y a pas de rampe, ou du moins pas d’éclairage à la rampe, mais de la salle que teintent obscurément quelques becs de gaz à globes dépolis, ne permet qu’après un temps de discerner les traits de celui qui occupe le théâtre en ce moment, et il se trouve que c’est le jeune homme du printemps dernier, un peu grandi, et de qui l’organe de ténorino a mué dans ce court intervalle en un velouté, clair et chaud baryton…

Quoi encore de particulier ici avant d’en partir pour toujours, peut-être, et sans plus d’émotion qu’il n’est séant ?