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les îles liakhoff.

— Non, pour l’instant, répondit M. Serge. En attendant, il est tout naturel que nous cherchions à nous entraider. Vous paraissez avoir beaucoup souffert, mes amis, et si nous pouvons vous être utiles… »

Les deux matelots remercièrent M. Serge, sans montrer trop d’empressement. Si, de temps à autre, il voulait leur procurer une nourriture un peu meilleure, ils lui en seraient reconnaissants. Ils n’en demandaient pas davantage, à moins qu’on ne voulût leur faire don de quelques couvertures. Quant à demeurer ensemble, non ! Ils préféraient habiter leur trou, tout en promettant d’aller rendre visite à la famille.

M. Serge et M. Cascabel — qui avait saisi quelques mots de cette conversation — prirent congé des deux matelots. Bien que ces hommes eussent une physionomie peu sympathique, ce n’était pas une raison pour ne point leur venir en aide. Des naufragés se doivent entre eux secours et assistance. On les soulagerait donc dans la mesure du possible, et, s’il se présentait quelque occasion de s’enfuir, M. Serge ne les abandonnerait pas. C’étaient des compatriotes à lui… C’étaient des hommes comme lui !

Quinze jours s’écoulèrent, pendant lesquels on se fit graduellement aux exigences de cette nouvelle situation. Chaque matin, obligation de comparaître devant le souverain indigène et de subir ses instances au sujet de la rançon qu’il exigeait. Il s’emportait, faisait des menaces, attestait ses idoles… Ce n’était pas pour lui, c’était pour elles qu’il réclamait le tribut de la délivrance.

« Vieux fourbe ! » s’écriait M. Cascabel. Commence donc par rendre l’argent !… On verra après ! »

En somme, l’avenir ne laissait pas d’être inquiétant. On pouvait toujours craindre qu’il ne voulût mettre ses menaces à exécution, ce Tchou-Tchouk, ou plutôt ce « Chou-Chou », comme l’appelait M. Cascabel, bien que ce petit nom d’amitié « lui allât comme un chapeau de bergère à un English à cheveux jaunes ! »

Et toujours, il s’ingéniait pour trouver le moyen de lui jouer un tour