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les tribulations d’un chinois en chine

« Ah ! mais je commence à en avoir assez ! » s’écria Kin-Fo dans un premier mouvement de colère.

Craig et Fry avaient pris connaissance de la missive de Wang.

« Votre lettre, demandèrent-ils à Kin-Fo, ne porte donc pas le 25 juin comme extrême date ?

— Eh non ! répondit-il. Wang devait et ne pouvait la dater que du jour de ma mort ! Maintenant, ce Lao-Shen peut agir quand il lui plaira, sans être limité par le temps !

— Oh ! firent Fry-Craig, il a intérêt à s’exécuter à bref délai.

— Pourquoi ?…

— Afin que le capital assuré sur votre tête soit couvert par la police et ne lui échappe pas ! »

L’argument était sans réplique.

« Soit, répondit Kin-Fo. Toujours est-il que je ne dois pas perdre une heure pour reprendre ma lettre, dussé-je la payer des cinquante mille dollars garantis à ce Lao-Shen !

— Juste, dit Craig.

— Vrai ! ajouta Fry.

— Je partirai donc ! On doit savoir où est maintenant ce chef Taï-ping ! Il ne sera peut-être pas introuvable comme Wang ! »

En parlant ainsi, Kin-Fo ne pouvait tenir en place. Il allait et venait. Cette série de coups de massue, qui s’abattaient sur lui, le mettaient dans un état de surexcitation peu ordinaire.

« Je pars ! dit-il, je vais à la recherche de Lao-Shen ! Quant à vous, messieurs, faites ce qu’il vous conviendra.

— Monsieur, répondit Fry-Craig, les intérêts de la Centenaire sont plus menacés qu’ils ne l’ont jamais été ! Vous abandonner dans ces circonstances serait manquer à notre devoir. Nous ne vous quitterons pas ! »

Il n’y avait pas une heure à perdre. Mais, avant tout, il s’agissait de savoir au juste ce que c’était que ce Lao-Shen, et en quel endroit précis il résidait. Or sa notoriété était telle que cela ne fut pas difficile.

En effet, cet ancien compagnon de Wang dans le mouvement insurrectionnel des Mang-Tchao s’était retiré au nord de la Chine, au-delà de la Grande Muraille, vers la partie voisine du golfe de Léao-Tong, qui n’est qu’une annexe du golfe de Pé-Tché-Li. Si le gouvernement impérial n’avait pas encore traité avec lui, comme il l’avait déjà fait avec quelques autres chefs de rebelles