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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Maurice Bournef, questionna Lenoir, croyez-vous vraiment que les partis avancés auraient pu, sans cette catastrophe, faire opposition à la guerre.

— Je le crois.

— Eh bien, moi, je n’en suis pas certain. Depuis quarante-quatre ans, voyez-vous, le pays a été travaillé pour la revanche. L’éducation, l’enseignement, la presse, la vie publique, tout a concouru à former aux gens un état d’esprit qui ne leur permet pas de raisonner. La seule force capable de s’opposer à la guerre, c’eut été la classe des travailleurs. Et nous qui pouvons journellement l’étudier, nous sommes en mesure de dire qu’elle en est incapable.

Benjamin Thomas fit un geste de protestation. Son visage jeune et fin était éclairé par deux yeux limpides où se lisait la confiance.

— Vous raisonnez comme si tout était perdu, dit-il. Mais je veux vous faire remarquer que la guerre n’est pas déclarée. Elle peut ne pas l’être, et il est tout à fait possible qu’elle ne le soit pas. Ce ne sera toujours pas la France qui la déclarera, n’est-ce pas ?

— Bah ! elle mobilise. Cela veut dire qu’elle est prête. La mobilisation, c’est une déclaration de guerre en sourdine.

— Guillaume hésitera peut-être. Si forte et disciplinée que soit son armée, il doit penser qu’il aura la France d’un côté et la Russie de l’autre.

— Et puis, intervint Léon, les social-démocrates doivent certainement agir de leur côté.

— Voyez-vous reprit Lenoir, notre faiblesse vient précisément de ce que nous ne savons, ni les uns ni les autres, ce que nous allons faire. Que se passe-t-il en Allemagne, nous l’ignorons. Nous sommes réduits aux conjectures, qu’il s’agisse de nous ou de nos voisins. Nous n’avons ni plan, ni cohésion, notre résistance n’est pas organisée. Et nous avons en face de