Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/113

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temps à m’apprendre à monter à cheval ; j’avais une telle peur, que j’en pleurais ; eux à pied me tenaient chacun une main, et un domestique la bride de mon cheval. M. de Lescure trouvait avec raison qu’il fallait me forcer à apprendre : cela pouvait me devenir nécessaire dans un temps de révolution. Je commençais à être un peu moins craintive et à me promener dans les jardins.

Depuis les troubles je n’avais pas monté à cheval ; M. de Lescure et Henri me le proposèrent, ils montèrent aussi. Comme nous étions à nous promener dans le parc, nous apercevons une troupe de gendarmes venant au château ; nous craignons que ce ne soit pour arrêter Henri nous le forçons à gagner au galop une de nos métairies, et nous revenons. Les gendarmes réclament nos chevaux et spécialement ceux d’Henri ; il y en avait encore un à lui dans l’écurie. M. de Lescure fait l’impossible pour le sauver. Le gendarme lui dit qu’Henri est beaucoup plus suspect que lui ; il répond avec vivacité : « Je ne sais pas pourquoi ; c’est mon cousin, c’est mon ami, et nous pensons absolument l’un comme l’autre. » Les gendarmes demandent où il est. « Sûrement dans sa chambre ou à la promenade », répond M. de Lescure. Cela passe ainsi ; on emmène son cheval et quelques-uns des nôtres ; Henri revient à la maison.

Nous commencions alors à apprendre tous les jours de nouvelles arrestations faites dans le pays ; on mettait en prison le peu de gentilshommes qui y étaient restés ; tous étaient des vieillards, des infirmes ; on arrêtait aussi les femmes, nous attendions notre tour. Il fut dit qu’on allait faire tirer à la milice le dimanche d’après, cela nous inquiéta beaucoup. Le mardi, Mlle de la Rochejaquelein envoya un paysan savoir des nouvelles de son neveu ; elle l’avait envoyé une autre fois, mais il n’avait pu rien nous apprendre de l’armée des royalistes ; à ce second voyage il nous en fit mille rapports fort avantageux ; il nous annonça que Châtillon était en leur pouvoir, que toutes les paroisses des en-