Page:Vigny - Journal d’un poète, éd. Ratisbonne, 1867.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
ALFRED DE VIGNY

Paisible tout le jour et gaie, elle a embrassé, en jouant avec eux, Henry, fils de mon beau-père, et m’a dit qu’il ressemblait à une petite fille ; elle parlait avec gaieté de Noël, Christmas, et du jour de l’an, disant qu’elle me voulait à dîner, ce jour-là, avec elle et que je ne devrais accepter aucune invitation. À dîner, gaie et douce, elle m’embrasse, toute prête à se coucher. Moi, je sors pour lui chercher quelques petits cadeaux pour le jour de l’an. Je rentre à minuit, elle m’entend passer et m’appelle. J’y vais, elle se plaint d’avoir trop chaud, puis trop froid. « Je souffre partout, disait-elle, mais pas plus dans une partie du corps que dans l’autre. » Je lui couvre les pieds de son édredon et je lui offre d’éveiller Cécilia, sa demoiselle de compagnie. « Non, je ne veux réveiller personne,» me dit-elle. Je ne l’écoute pas, alarmé de la faiblesse de son pouls. Lydia se lève et court à elle avec sa chaleur ordinaire et son cœur de fille dévouée. Toutes deux la pressent de questions, — Je ne sais pas ce que j’ai ! — Une heure vient dans cette incertitude. Elle était fâchée sérieusement contre moi de mes questions et de mon importunité d’avoir éveillé tout le monde. Je monte faire lever encore deux personnes ; Julie et son mari allument le feu, préparent les bains de pieds. Elle disait encore n’avoir besoin de rien. On me priait de me coucher et de ne pas revenir. J’allais m’y rendre, quand de nouvelles plaintes de ma mère, petits gémissements sourds, qui lui étaient familiers pourtant, me