Page:Viollet-Leduc - Bibliographie des chansons, fabliaux, 1859.djvu/18

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s’il est riche, il se fait imprimer à ses frais ; mais qui le sait ? Les journaux se taisent. Le silence le tue bien plus sûrement que la critique ; à moins que l’auteur, par des moyens étrangers à l’art et qui exigent de sa part des études nouvelles, ne parvienne à obtenir d’être compté au nombre des célébrités du jour.

Je terminerai cette longue introduction par un avis que mon âge me permet de donner aux jeunes littérateurs : Ce travail forcé de journaliste, où il faut avoir de l’esprit et du talent à heure fixe, sans outrepasser la dimension prescrite du feuilleton, qu’il faut exactement remplir, me parait exiger des facultés toutes particulières qui ne sont pas données à tout le monde, et ce travail n’est peut-être pas sans danger. Un ami, après avoir rempli durant de longues années un emploi de rédacteur dans un journal supprimé, répondant au conseil que je lui donnais de travailler pour son propre compte et de composer quelque ouvrage, me disait :

« J’ai essayé ; il ne m’est plus possible. L’habitude que j’ai prise de renfermer le travail de ma pensée dans les bornes circonscrites d’un feuilleton, ne me permet plus de lui donner le développement nécessaire à toute œuvre importante. Je me trouve avoir rempli tout à coup la la tâche que je m’étais imposée. »

Voilà encore une des causes ignorées, ou du moins non signalées, du déclin de notre littérature, déclin qui a commencé à se manifester il y a bientôt cent cinquante ans.