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[ogive]
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prenant très-peu de surface. Et en effet, si nous examinons des églises gothiques bâties pendant le XIIIe siècle, nous reconnaissons que tous les arcs ogives, doubleaux, formerets, que les archivoltes, travées de galeries, etc., sont tracés au moyen de points de centres posés sur des divisions égales en cinq ou dix d’un seul diamètre de cercle. Il ne nous paraît pas nécessaire d’insister davantage sur l’importance de la figure spirale contenue dans l’Album de Villars de Honnecourt, mais il n’est pas hors de propos de faire remarquer que la voûte barlongue lnmr, dont la projection horizontale est tracée en H, dérive du triangle donné par Plutarque comme étant le triangle parfait des Égyptiens, et que l’arc doubleau, dont le diamètre est A5 divisé en quatre, possède une flèche 3a divisée en 2 1/2 moins une très-minime fraction, c’est-à-dire qu’il inscrit un triangle à très-peu près semblable à celui que donne la section verticale de la grande pyramide de Chéops. L’arc dit ogive mérite donc quelque attention : ce n’est pas seulement un motif de solidité qui l’a fait adopter, mais aussi un sentiment des proportions et un accord harmonique entre toutes les courbes des voûtes ; c’est une nécessité résultant de la pratique dans le tracé des épures ; c’est surtout un besoin de liberté dans la construction de ces voûtes dont on ne saurait trop étudier à fond le principe excellent, puisqu’il permet toutes les combinaisons.

Depuis vingt ans on a fait beaucoup de pastiches de la structure gothique ; bien rarement ces imitations satisfont les yeux : c’est qu’en effet ceux qui les élèvent, en admirant fort d’ailleurs nos anciens monuments, ne se sont probablement pas donné la peine d’en rechercher les savants et judicieux éléments. En architecture, le goût, le sentiment sont beaucoup ; mais pour les appuyer il faut nécessairement se servir du compas et de la géométrie. On voit qu’au moyen de la formule (12) il n’est qu’un des arcs brisés qui ait ses centres en dehors de ses naissances.

C’est qu’en effet dans ces belles écoles de l’Île-de-France, de la Champagne, du Soissonnais, les architectes, gens de goût, avaient senti que la dernière limite d’aiguité de l’ogive était l’arc équilatéral ; que les centres des branches d’arc placés en dehors des naissances donnaient une brisure dont l’extrême aiguité était choquante, une proportion désagréable, en ce que les rapports de la base avec la hauteur outrepassaient le triangle équilatéral (voy. Proportion ). Mais les Normands, les Anglo-Normands étaient moins délicats et cherchaient dans leur structure, avant toute chose, les formules qui supposent des moyens pratiques simples. Aussi, au lieu de tenter, comme dans la figure 12, de trouver des arcs brisés de diamètres différents ayant tous des angles égaux au sommet ou du moins peu dissemblables, des rapports analogues entre les diamètres et les flèches, ces gens pratiques du Nord, bons constructeurs dès le commencement du XIIe siècle, se préoccupent médiocrement des rapports proportionnels, du choix des formes : ils veulent une méthode expéditive. Nous avons vu comme Villars de Honnecourt donne les moyens de tracer un plein-ceintre et plusieurs arcs brisés « avec la même ouverture de