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[siège]
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ses troupes se répandent dans le quartier bâti sur le mont Sion. La ville est gagnée : le siège avait duré trente-huit jours.

On voit que dans ces attaques de places dont nous venons de donner une description sommaire, les assiégeants ne tracent pas des lignes régulières de contrevallation et de circonvallation ; ils se bornent au siège d’Antioche, à planter des palissades et à fortifier quelques points. Au siège de Jérusalem, tous leurs efforts tendent à hâter l’achèvement des engins et des beffrois ; ils ne font ni tranchées, ni galeries de mine. Le sol qui entoure la ville sainte ne se prête guère, il est vrai, à ces sortes de travaux. Cependant les Romains, commandés par Titus, avaient élevé vers le nord et l’ouest de longs aggeres ; dont on reconnaît encore la place, et qui peut-être servirent aux croisés.

Au siège de Tyr, commencé le 15 février 1124, l’armée des chrétiens occidentaux fit creuser un fossé de circonvallation, pour être à l’abri des attaques du dehors et pour assurer l’investissement de la place. Elle attaqua les défenses avec force machines et à l’aide de tours de bois dont la hauteur dépassait celle des remparts. Cependant les assiégés possédaient des pierrières supérieures à celles des assaillants. « Ceux-ci[1], reconnaissant qu’ils n’avaient parmi eux aucun homme qui fût en état de bien diriger les machines et qui eût une pleine connaissance de l’art de lancer des pierres, firent demander à Antioche un certain Arménien, nommé Havedic, homme qui avait une grande réputation d’habileté ; son adresse à faire jouer les engins et à faire voler dans les airs des blocs de pierre était telle, à ce qu’on dit, qu’il atteignait et brisait, sans aucune difficulté, tous les obstacles qu’on lui désignait. Il arriva en effet à l’armée, et aussitôt qu’il y fut, on lui assigna sur le trésor public un honorable salaire qui pût lui donner les moyens de vivre avec magnificence selon ses habitudes ; puis, il s’appliqua avec activité au travail pour lequel on l’avait mandé, et déploya tant de talent, que les assiégés durent croire bientôt qu’une nouvelle guerre commençait contre eux, tant ils eurent à souffrir de maux beaucoup plus cruels. »

Non seulement les Occidentaux profitèrent ainsi, pendant la première période de la guerre de Syrie, des connaissances conservées par les Grecs, mais apportèrent une plus grande étude dans l’art de fortifier les places. Ces villes, telles qu’Antioche, Césarée, Édesse, Tyr, possédaient des murailles antiques, augmentées à la fin du Bas-Empire, qui étaient fort bien entendues ; leurs flanquements très-rapprochés, la hauteur des tours, le bel appareil des remparts, étaient un sujet d’admiration pour les Occidentaux. Ils ne tardèrent pas à imiter et à dépasser ces modèles[2]. Pendant cette dure guerre du commencement du XIIe siècle en Syrie, les croisés, imprudents en campagne, ne possédant pas encore une tac-

  1. Guillaume de Tyr, liv. XIII.
  2. Voyez les plans, dessins et photographies recueillis par M. C. Rey, sur les fortifications des croisés en Syrie pendant le XIIe siècle.