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neurs travaillaient sous ce point, et l’on contre-minait. Si la place était entourée d’eau, pour attacher le mineur aux remparts, on comblait peu à peu le fossé au moyen de boyaux de tranchées par lesquels on apportait des matériaux ; on formait ainsi une chaussée sur laquelle le chat était successivement allongé jusqu’au moment où l’on atteignait l’escarpe. Alors s’attachait le mineur. Cette façon de procéder, comme la première, désignait à l’assiégé le point où l’on sapait ses murailles ; s’il ne pouvait s’opposer à cette sape, il se remparait en arrière. Quelquefois l’assiégeant n’essayait pas de pratiquer une brèche en faisant tomber quelques toises de maçonnerie, mais il creusait une galerie de mine sous les fondations, puis montant peu à peu, en s’étayant jusqu’au niveau du sol intérieur de la place, il ne laissait sur sa tête qu’une croûte bien blindée ; puis, attendant la nuit, il faisait tomber le blindage et débouchait par cette issue dans la place. Ces sortes de mines étaient pratiquées, autant que faire se pouvait, à proximité d’une porte, afin que les quelques hommes déterminés qui s’élançaient les premiers du fonds de la mine pussent se jeter sur la garde de la porte, lever les herses, et ouvrir les vantaux à une colonne d’attaque toute prête et masquée, à l’extérieur. La figure 3 indique la façon dont sont creusées les galeries de mine sous les maçonneries des tours en A et des courtines en B pour faire brèche. Ces galeries sont tracées en zigzag, en laissant substituer les parements intérieurs et extérieurs. Les étais sont posés en manière de chevalements, comme on le voit en D. Ces étais brûlés, le poids de la maçonnerie supérieure venant à charger sur le parement extérieur déliaisonné, s’écrase, et l’ouvrage s’écroule en glissant par le pied, de façon à former un talus permettant à une colonne d’assaut de s’élancer sur les décombres. La coupe de la tour A montre en a la galerie de mine passant sous le fossé avec une inclinaison vers le dehors pour éviter que les mineurs ne soient noyés, dans le cas où — comme cela se pratiquait — les assiégés ayant assez d’eau à leur disposition, auraient cherché à remplir les galeries. Les étais brûlés, la maçonnerie de la tour ne pouvait manquer de s’écrouler, ainsi que l’indique le trait bc, le pied de la bâtisse glissant en c. En C, est une galerie directe, destinée à déboucher dans la place sans faire brèche. Dans un assez grand nombre de places fortes des XIIe et XIIIe siècles, on peut constater l’emploi de ces moyens, soit par la façon dont les remparts se sont écroulés, soit par les restes mêmes des galeries de mine incomplètement rebouchées[1]. Pour parer à ces dangers, les constructeurs militaires établissaient souvent le rez-de-chaussée des tours sur un plein massif[2], ou, s’ils faisaient les parements avec de la pierre de taille d’une médiocre dureté, ils avaient le soin de composer les

  1. Notamment aux remparts de la cité de Carcassonne, aux remparts de la baille du château de Coucy, au château (vieux) de Chauvigny.
  2. Telles sont établies les tours de la cité de Carcassonne, reconstruites sur les anciennes tours des Wisigoths.