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[siège]
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dedans, et en approchant assaillir la ville[1] ». Cet engin était donc à la fois un beffroi, un chat et une pierrière. Monté sur châssis et galets, il projetait des pierres contre les remparts ennemis tout en approchant du pied des murs ; il n’avait pas besoin d’être soutenu par des mangonneaux de position, et arrivé contre le rempart, les soldats qui le remplissaient se jetaient sur le parapet et sapaient en même temps la base de la muraille. « À lendemain la truie que amenée et achariée ils avoient, fut levée au plus près qu’ils purent de Bergerac, qui grandement ébahit ceux de la ville[2]… »

En 1369 déjà, les Anglais traînaient avec eux une artillerie que l’on employait dans les sièges, tout en se servant des grands engins. « Si exploitèrent tant (les Anglais) qu’ils vinrent devant le châtel de la Roche-sur-Yon qui étoit beau et fort et de bonne garde, et bien pourveu de bonnes pourvéances et d’artillerie. Si en étoit capitaine, de par le duc d’Anjou, un chevalier qui s’appeloit messire Jean Blondeau, et qui tenoit dessous lui au dit château moult de bons compagnons aux frais et dépens dudit duc. Si ordonnèrent les dessus nommés seigneurs (anglais) et barons qui là étoient, leur siège par bonne manière et grand’ordonnance ; et l’environnèrent tout autour, car bien étoient gens à ce faire ; et firent amener et charrier de la ville de Thouars et de la cité de Poitiers grands engins, et les firent dresser devant la forteresse, et encore plusieurs canons et espringalles qu’ils avoient de pourvéance en leur ost et pourvus de longtemps et usagés de mener[3]. »

Le perfectionnement de ces engins, l’artillerie à feu qui permettait de battre les crêtes des défenses à une distance assez longue, avaient peu à peu amené les constructeurs de places fortes à étendre les ouvrages extérieurs et même à les établir en terre pour mieux résister aux projectiles. Déjà Christine de Pisan indique les fausses braies comme nécessaires à la bonne défense des places[4]. Au commencement de la guerre, sous

  1. Froissart, liv. II, chap. v.
  2. Froissart, liv. II, chap. vii. — Christine de Pisan, dans le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles, décrit cette sorte d’engin (chap. xxxv) : « Quant l’on ne peut prendre le chastel par vigne (chat), ne par mouton (galerie avec bélier), l’en doit considerer la mesure des murs, et doit-on faire chasteaulx et tours de fust, et pareillement couvrir de cuir cru et mener au plus près des murs qu’on peut ; et par tel chastel de fust, on peut assaillir en deux manieres : c’est par pierres lancier à ceulx qui sont au chastel ; et aussi par pons leveys, qu’on fait qui vont jusques aux murs du chastel assigié ; l’eus fait uns petit édifices de fust, par quoy l’en meine ces chasteaulx et tours de fust près des murs ; ceulx qui sont au plus hault du chastel doivent gecter pierres à ceulx qui sont sus les murs, et ceulx qui sont au moyen estage doivent avaler les pons leveys et envayr les murs ; et ceulx qui sont en l’estage de desoubz, se ilz peuvent approchier les murs, ils les doivent foyr et miner… »
  3. Froissart, liv. I, chap. cclxxx.
  4. Le Livre des fais, etc., chap. xxxv.