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des boyaux de tranchée pour arriver à couvert au pied des remparts. Cependant, ainsi qu’on a pu le voir dans le cours de cet article, bien avant cette époque, les armées assiégeantes faisaient de véritables approches. Un peu plus tard, les troupes du duc de Bourgogne, quand elles assiègent une place, cheminent vers les fossés au moyen de tranchées. « Le seizième jour de juillet (1453), le duc de Bourgogne se partit de Courtray : et ala devant Gavre : et l’assiégea : et l’environna de toutes pars : et fit descendre bombardes, mortiers, et engins volans : et furent les aproches faicts, si près que faire se peut : et à la vérité la place de Gavre ne fut guères empirée de bombardes ne d’engins, fors de dessus des pans, et des tours, qui furent abatus… Et (le capitaine de la place) fit une saillie par le plus obscur de la nuit, et frapa hardiment sur les premiers qu’il trouva es tranchées et es aproches (qui furent en petit nombre et ne se doubtoyent de rien), et finalement mit iceux en fuite et desroy : et fit un grand effray sur l’artillerie[1]… »

Après la bataille de Montlhéry (1465), quand le comte de Charolais se dirige sur Paris, le roi (Louis XI) « avoit assemblé à Paris grosse armée, et grans gens d’armes… et par une noire nuict envoya les francs archers normans, faire un tranchis sur la rivière : et étoit iceluy tranchis garni d’artillerie, tellement qu’il batoit du long de la rivière et du travers : et se pouvoit on tenir à grand peine à Couflans : mais le duc de Calabre et le comte de Charolois visitèrent (reconnurent) en leurs personnes ledict tranchis : et prestement firent aporter grandes cuves à vendanger… et de ce firent gros boulovars, garnis de bonne artillerie, et tellement battoyent du travers de la rivière, que les normans, qui estoient es tranchis, n’osoyent lever la teste[2]… » Ainsi, vers le milieu du XVe siècle, faisait-on déjà des approches, des tranchées avec batteries, et l’artillerie était-elle devenue assez maniable pour qu’il fût possible de la monter promptement sur des épaulements, des boulevards de campagne, qui ressemblaient fort à nos redoutes. Les Anglais avaient une nombreuse artillerie au siège d’Orléans, et ils ne pensaient pas que les assiégés pussent y répondre[3] ? Cela expliquerait pourquoi ils ne crurent pas devoir tout d’abord faire des approches et établir des batteries. Leurs bombardes ne pouvaient qu’envoyer des boulets de pierre dans la ville par-dessus les remparts, mais non faire brèche. Il semble au contraire que les artisans français qui firent les premières pièces de métal fondu se soient préoccupés d’obtenir un tir direct, et par conséquent de faire brèche.

Leurs canons, mis en batterie au boulevard de la Belle-Croix et sur les

  1. Mém. d’Olivier de la Marche, chap. xxvii.
  2. Ibid., chap. xxxv.
  3. L’artillerie des Orléanais était en effet beaucoup moins nombreuse que celle des assiégeants, mais il semble qu’elle fût mieux servie. D’ailleurs l’artillerie anglaise ne se composait guère que de bombardes à tir parabolique, tandis que les Orléanais possédaient quelques pièces envoyant de plein fouet des boulets de métal.