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fort cher l’avantage d’être enterrés près de l’église[1]. La place préférée était toujours le mur de l’église même. Aussi, le long de nos monuments religieux, entre les contre-forts qui donnaient sur l’une des galeries du cloître, trouve-t-on encore des traces nombreuses de ces sépultures.

Au XIIIe siècle, les lois ecclésiastiques qui défendaient d’enterrer des laïques dans l’enceinte même des églises tombèrent en désuétude. Les chapitres des cathédrales seuls continuèrent généralement d’observer ces règles, mais les paroisses, les collégiales, les églises abbatiales mêmes, tirèrent un profit considérable de la vente du droit de sépulture dans les églises, et bientôt les murs et les pavés des nefs furent couverts de monuments, d’inscriptions et d’effigies. Les chœurs étaient réservés pour les membres du clergé ou pour de très-hauts personnages. De même que dans les cathédrales les évêques étaient ensevelis sous le pavé du chœur ou entre les piliers du sanctuaire, par exception des princes profitaient du même privilège. En fouillant le chœur de Notre-Dame de Paris pour y établir le caveau actuel des archevêques, nous avons trouvé la tombe d’Isabelle de Hainaut, première femme de Philippe-Auguste, qui dut être enterrée sous ce pavé, l’église à peine élevée jusqu’aux voûtes[2].

C’était principalement dans les églises abbatiales que les princes se faisaient ensevelir. Les fondateurs d’abbayes se réservaient la faculté d’être enterrés, eux et leurs successeurs, dans l’église érigée avec leurs dons. C’est ainsi que beaucoup de monuments remarquables ont pu être conservés jusqu’à la fin du dernier siècle, et même jusqu’à nos jours. Les abbayes de Saint-Denis, en France, de Sainte-Geneviève, de Saint-Germain des Prés à Paris, de Braisne, de Vendôme, de Jumièges, de

  1. « Parler vueil de la saincte terre,
    « De lesglise, ou lon enterre
    « Riches, pouvres, communement ;
    « Elle se vent moult chierement
    « A tous ceulx qui ont de lavoir
    « Pour deux ou trois pas en avoir
    « Et toujours la terre demeure
    « Pour aultre fois mettre en euvre.
    « Chiere terre se peut nommer
    « Sans riens la saincteté blasmer.
    « Grans debas souventes fois ont
    « Les paroisses, dont se meffont,
    « Pour les corps mors mettre en terre.
    « Ils sen playdoyent et font guerre.
    « Helas ce nest pas pour le corps
    « Dont est issue l’ame hors,
    « Cest pour avoir la sepulture ;
    « Du corps aultrement ils nont cure
    « .............. »

    (Complainte de François Garin, XVe siècle, édit. de 1832. Impr. Crapelet, p. 32.)

  2. Le sceau d’argent de cette princesse était déposé dans le cercueil. Conservé pendant quelques années dans le trésor de la cathédrale, il a été volé.