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a coi ou ravale la verge. Veir le poes en cele autre pagene (c’est cette seconde page qui manque). Il y a grant fais al ravaler, car li contrepois est mult pesans. Car il i a une huge plainne de tierre. Ki .ij. grans toizes a de lonc et .viiij. pies de le, et .xij. pies de profont. El al descocier de le fleke[1] penses. Et si vus en donez gard, car ille doit estre atenue a cel estancon la devant. » Le plan donné par Villard présente deux sablières parallèles espacées l’une de l’autre de huit pieds, et ayant chacune trente-quatre pieds de long. À quatorze pieds de l’extrémité antérieure des sablières est une traverse qui, à l’échelle, paraît avoir vingt-cinq pieds de long ; puis quatre grands goussets, une croix de Saint-André horizontale entre les deux sablières longitudinales ; près de l’extrémité postérieure, les deux treuils accompagnés de deux grands ressorts horizontaux en

    Les commentateurs français de Villard de Honnecourt ont donc, nous semble-t-il, compris la fonction des deux ressorts indépendante de celle des deux treuils horizontaux ; ces ressorts étaient fort utiles pour forcer la verge à quitter la ligne verticale, au moment où les tendeurs commençaient à abattre son sommet ; car, contrairement à ce que dit M. Willis, l’effort le plus grand devait avoir lieu lorsque la corde de tirage faisait un angle aigu avec la verge : c’était alors que l’aide des ressorts était vraiment utile. Du reste, nos figures expliquent l’action du mécanisme. Quant à l’arrêt ou la fiche verticale que M. Willis croit être le moyen propre à arrêter la verge lorsqu’elle est abattue, nous dirons d’abord que Villard indique cette fiche sur plan horizontal, puis que cette fiche est trop loin du plan d’abattage de la verge pour pouvoir la maintenir. Ce moyen n’aurait rien de pratique ; cette fiche serait arrachée ; comment serait-elle maintenue à la sablière ? comment ne serait-elle pas attirée en dehors de la verticale par l’effort de la verge ? Cette barre indiquée dans le plan de Villard nous semble un des leviers du premier treuil, muni peut-être d’un anneau à son extrémité pour passer une corde, de manière à faciliter l’abattage.

  1. MM. Lassus et Darcel supposent qu’il est ici question d’une flèche propre à être lancée ; le trébuchet ne lance pas de flèches, mais bien des pierres, c’est-à-dire des projectiles à toute volée. M. Mérimée a relevé cette erreur et prétend que la fleke doit être prise pour la verge de l’engin. L’opinion de M. Willis nous paraît préférable : il prétend que la flèche doit s’entendre ici comme verrou fermé, shot ; que le mot fleke se rapporte à la cheville qui maintient la corde de tirage à l’extrémité de la verge, cheville que le maître de l’engin fait sauter d’un coup de maillet. C’est le mot anglais click qui correspond au mot français déclic. Si le mot fleke s’entendait pour un projectile, le texte de Villard n’aurait pas de sens, tandis que notre auteur a parfaitement raison de recommander aux servants de l’engin de prendre garde à eux au descocier de la fleke, c’est-à-dire de la cheville qui arrête la verge à l’estançon antérieur ; car s’ils ne s’éloignaient pas, ils pourraient être tués d’un revers de la fronde au moment où la verge décrit son arc de cercle (voy. les fig. 9, 10 et 12). Nous n’avons pas la prétention d’avoir complétement interprété le trébuchet de Villard, mais nous nous sommes efforcé de rendre son jeu possible ; généralement, lorsqu’il s’agit de figurer ces anciens engins de guerre, on n’apporte pas dans les détails le scrupule du praticien obligé de mettre à exécution le programme donné. De tous ces engins figurés, nous n’en connaissons aucun qui puisse fonctionner ; nous avons pensé qu’il était bon une fois de les tracer comme s’il nous fallait les faire exécuter devant nous et nous en servir.