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[épi]
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La pièce inférieure C est une dernière faîtière recouvrant les tuiles extrêmes de la coupe du comble.

À mesure que l’architecture devenait plus riche et que les couronnements des édifices se découpaient davantage, il fallait nécessairement donner plus d’importance à ces détails se détachant en silhouette sur le ciel. Il existe encore quelques fragments d’épis en terre cuite, du commencement du XIIIe siècle, dans les contrées où cette matière était employée par des mains exercées. Troyes est une des villes de France où les fabriques de terres cuites étaient particulièrement florissantes pendant le moyen âge ; elle possédait, il y a peu d’années, un grand nombre d’épis fort beaux en terre vernissée qui, la plupart, ont été détruits ou déplacés. M. Valtat, sculpteur à Troyes, a recueilli l’un des plus remarquables spécimens de cette décoration de combles. C’est une pièce (3) qui n’a pas moins de 0,75  c. de hauteur, d’un seul morceau, et qui était terminée par une forte tige en fer recevant probablement une girouette. Le soubassement AB manque, et nous l’avons restauré ici pour compléter cette décoration. Sur un bout de fût s’épanouit un chapiteau feuillu portant un édicule circulaire terminé par cinq gâbles et un cône percé à son sommet. Le tout est vernissé au plomb, vert et jaune, et les petites ouvertures simulant des fenêtres sont percées vivement au moyen d’un outil tranchant. Il est facile de voir que cette poterie a été modelée à la main, car elle présente beaucoup d’irrégularités ; le travail est grossier, et c’est par la composition et le style, mais non par l’exécution, que se recommande notre exemple. La tige de fer s’emmanchait simplement à l’extrémité du poinçon en charpente, ainsi que l’indique la coupe D. C’était là un objet vulgaire ; on ne peut en douter, lorsqu’on voit à Troyes et dans les environs la quantité de débris de poteries de ce genre qui existent encore sur les combles des maisons ou des édifices. La céramique est un art en retard sur les autres ; les fabriques continuaient des traditions qui n’étaient plus en harmonie souvent avec le siècle ; c’est ce qui explique l’apparence romane de cet épi, auquel cependant on ne peut assigner une date antérieure à 1220. Un certain nombre de ces objets pouvaient d’ailleurs rester plusieurs années dans une fabrique avant d’être vendus, et ce n’était qu’à la longue que les potiers se décidaient à modifier leurs modèles. Ces colonnettes portant des édicules furent très-longtemps admises pour la décoration des poinçons ; cependant, vers la fin du XIIIe siècle ou le commencement du XIVe, ce type était trop en désaccord avec les formes de l’architecture de cette époque : on en vint aux pinacles de terre cuite pour couronner les croupes ou pavillons couverts en tuiles.

On voit, dans le musée de l’évêché de Troyes, un de ces épis provenant de l’ancien hôtel de ville (4) ; nous croyons qu’il a pu être fabriqué vers le milieu du XIVe siècle : il est carré en plan, décoré de petites baies seulement renfoncées et remplies d’un vernis brun, de quatre gâbles et d’une pyramide à quatre pans. Le fleuron supérieur est brisé et la pièce C du bas manque, c’est-à-dire que la partie existante est celle comprise entre A