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comment sont disposés ces dais formant une sorte d’entablement au-dessus des chapiteaux des colonnettes placées entre et derrière les statues, et ne se confondant pas avec ces chapiteaux mêmes, ainsi que cela se pratiquait alors.

Les monuments religieux de la Bourgogne sont presque tous dépouillés de leurs statues extérieures. Dans cette province, la révolution du dernier siècle a mutilé les églises avec plus d’acharnement que dans l’Île-de-France et les provinces de l’Ouest. Jetant bas les statues, la rage des iconoclastes n’a pas respecté davantage ce qui les accompagnait, et les sculptures des portails ont été non-seulement brisées, mais coupées au ras des murs, ainsi qu’on peut le voir à Semur, à Beaune, à Notre-Dame de Dijon. Le peu de dais qui restent du commencement du XIIIe siècle, dans cette province, font regretter qu’on les ait presque partout détruits, car ces rares exemples sont admirablement composés et sculptés. On en jugera par l’exemple que nous donnons ici (5), et qui provient du portail de la petite église de Saint-Père-sous-Vézelay. Ce dais était peint comme toute la sculpture du portail. La statue était adossée à la colonnette A, dont le chapiteau est pénétré par le dais.

À cette époque déjà, les dais bourguignons sont surmontés d’édicules en forme de pyramide ou de tour, posés sur l’assise engagée dans la bâtisse. Cette superfétation ne se trouve que plus tard dans les édifices de l’Île-de-France et de la Champagne.

Vers le milieu du XIIIe siècle, au moment où l’architecture devient plus délicate, l’ornementation plus fine, les dais sont souvent d’une extrême richesse de sculpture ; alors ce sont de petits châteaux couronnés de tours crénelées, avec leur donjon. À l’intérieur de la Sainte-Chapelle de Paris, au-dessus des douze apôtres adossés aux piliers, on voit des dais crénelés dont les tourelles sont percées de fenêtres remplies de verres bleus ou rouges. Mais les dais les plus remarquables, en ce genre, que nous connaissions, existent au-dessus des figures de la porte du nord de la cathédrale de Bordeaux (6)[1]. Jusqu’à cette époque, ainsi que nous l’avons fait remarquer tout à l’heure, les dais d’une même ordonnance de statues juxtaposées sont variés dans leur forme et leur dimension ; mais, à dater du milieu du XIIIe siècle, les dais d’une même rangée de figures sont habituellement semblables et forment une ceinture d’arcatures uniformes, ainsi qu’on le peut voir au portail occidental de la cathédrale de Reims (7) ; cependant ils ne sont pas encore surmontés de hautes pyramides, si ce n’est en Bourgogne, où l’on voit déjà, au milieu du XIIIe siècle, quelques dais terminés en façons de pinacles ou clochetons. Pendant le XIVe siècle les dais prennent beaucoup d’importance, se couvrent de détails, sont taillés en forme de petites voûtes précieusement travaillées ; quelquefois,

  1. Cette porte se trouve aujourd’hui engagée dans une sacristie, toute la sculpture en est fort belle ; les statues des douze apôtres ont été enlevées de cette porte et sont déposées depuis peu dans la cathédrale.