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Il serait difficile de remonter au premier emploi de la tour comme défense. Dès la plus haute antiquité, la tour est connue : les Asiatiques et les Grecs, les Phéniciens et les Étrusques bâtissaient des tours pour fortifier les murailles de leurs villes et forteresses. Ces tours étaient généralement élevées sur plan carré ou barlong, et dépassaient le niveau du chemin de ronde des courtines.

Les Romains avaient pris la tour aux Étrusques et aux Grecs, et dès l’époque des rois ils flanquaient les courtines au moyen de tours à plan carré. Autour de Rome, sous les remparts de l’empire, des bas temps et du moyen âge, on retrouve encore d’assez nombreuses traces de ces ouvrages élevés en gros blocs de pépérin par les Tarquins.

Cependant il n’est pas rare de trouver des tours romaines d’une époque assez ancienne, sur plan circulaire, flanquant des portes. À Arles, on voit encore, du côté opposé au Rhône, deux souches de tours qui flanquaient une porte, qui datent d’une très belle époque et sont sur plan circulaire. Ces tours ont 8 mètres de diamètre et sont espacées l’une de l’autre de 15 mètres. À Nîmes, la porte dite d’Auguste était flanquée de deux tours circulaires. Il en était de même aux portes d’Arroux et de Saint-André, à Autun (IVe siècle), à la porte de Vézone (Périgueux), à l’est de l’ancienne cathédrale. Les tours romaines sur plan circulaire, flanquant des courtines, sont beaucoup plus rares : on en voit quelques-unes sur le front occidental des remparts d’Autun, mais qui appartiennent à une très basse époque ; de même à Rome.

Les Romains élevaient aussi des tours isolées en dehors des remparts, sortes d’ouvrages avancés qui protégeaient un point faible, un passage de rivière, et commandaient la campagne. Ces tours tenaient lieu de ce que nous appelons aujourd’hui des forts détachés ; elles étaient parfois reliées par un vallum, ou relief de terre avec fossé, soit avec d’autres tours, soit avec les murailles de la ville. L’édifice auquel, à Autun, on donne le nom de temple de Janus, paraît avoir été un de ces ouvrages, qui formait le saillant d’une large tête de pont, d’un camp retranché sur la rive droite de l’Arroux.

Quand les frontières de l’empire furent menacées, les empereurs romains firent bâtir des tours isolées pour protéger les passages et pour maintenir les populations voisines[1]. Ces tours, comme plus tard les donjons féodaux, n’avaient point de portes au niveau du sol, mais à une certaine hauteur, de manière qu’on fût obligé de se servir d’une échelle pour entrer[2]. La tour carrée d’Autun, dont nous venons de parler, paraît avoir eu sa porte relevée au-dessus du sol extérieur.

  1. « Castra extollens altius et castella, turresque adsiduas per habiles locos et opportunos, quà Galliarum extenditur longitudo ; nonnunquam etiam ultra flumen ædificiis positis subradens barbaros fines. » (Ammien Marcellin, lib. XXVIII, cap. II.)
  2. C’est ainsi que sont construites les tours romaines de Besigheim, au confluent du Necker et de l’Enz.