Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/187

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d’une froide sueur. Je m’élance de ma couche ; les mains levées au ciel, j’invoque son secours ; et le vin pur des libations arrose mes brasiers fumans. Ce pieux devoir acquitté, je cours informer Anchise de nos destins nouveaux, et lui raconter ma vision. Il reconnaît l’ambiguité de notre race, et sa double origine, et l’erreur qui l’égara lui-même sur la trace équivoque de nos antiques demeures. Puis il ajoute : « Ô mon fils, éternel jouet des fatalités d’llion ! Seule autrefois Cassandre me prédisait de telles merveilles. Je m’en souviens maintenant ; cent fois elle promit à notre postérité ce brillant avenir. Sans cesse elle vantait l’Hespérie, sans cesse elle nous flattait du sceptre d’Italus. Mais qui jamais aurait pensé que les Phrygiens dussent aborder un jour aux plages de l’Hespérie ? Qui de nous croyait alors aux présages de Cassandre ? Obéissons aux dieux ; et, sur la foi de leurs oracles, cherchons de plus heureuses aventures. » Il dit ; chacun s’empresse d’applaudir. On quitte encore ces toits récents ; on ne laisse sur ces bords qu’une petite colonie ; et, les voiles déployées, nous effleurons de nos proues légères l’humide sein d’Amphitrite.

Déjà s’étendait devant nous le vaste champ des mers ; déjà la terre avait disparu : partout les cieux, partout les eaux. Soudain, grossi sur nos têtes, un sombre nuage nous apporte la tempête et la nuit : une ténébreuse horreur se répand sur les ondes. Bientôt les vents déchaînés ont bouleversé les flots ; les vagues s’enflent, bondissent, et nos galères dispersées luttent avec peine contre l’immense abîme. D’épais