Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/211

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fugitives, et les fait voler au hasard dans l’obscur souterrain. Une fois éparses, rien ne peut plus les réunir, et le sol reste jonché de leurs présages imparfaits. On se retire sans réponse ; on déteste, en s’éloignant, le séjour de la prophétesse. Toi, ne regrette point les heures que tu passeras dans ces lieux. Malgré l’impatience de tes guerriers, malgré l’aspect riant des ondes ; lors même que les vents amis gonfleraient déjà tes voiles frémissantes ; marche vers la Sibylle, implore ses divines fureurs. Qu’elle parle, mais elle-même, et que sa voix fatidique daigne résonner à ton oreille. Elle t’apprendra quels peuples habitent l’Italie, te dira tes combats futurs, les dangers qui t’attendent, les triomphes qu’ils te préparent ; et vaincue par tes hommages, elle aplanira sous tes nefs les flots obéissans. Tels sont, Prince, les conseils qu’il m’est permis de te donner. Vole donc, et que tes exploits portent jusqu’aux cieux la gloire de Pergame ! »

Ainsi le pieux monarque se plaisait à m’entretenir. Il fait ensuite charger ma flotte de présens magnifiques, éclatans d’or et d’ivoire. On y porte un riche amas d’argent, des vases façonnés à Dodone, une cuirasse tissue de mailles élégantes et d’un triple fil d’or, un casque au brillant cimier, que surmonte un panache ondoyant, noble armure de Néoptolème. Hélénus n’oublie pas Anchise dans le partage de ses largesses. À ces dons il ajoute encore des coursiers et des guides ; ses rameurs vont remplir nos bancs, et ses arsenaux s’ouvrent pour armer nos soldats.

Cependant mon père nous pressait de déployer les