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LES RUINES.

poussent ? Ou bien, embrassant d’un coup d’œil l’histoire de l’espèce, et jugeant du futur par l’exemple du passé, as-tu constaté que tout progrès lui est impossible ? Réponds ! depuis leur origine, les sociétés n’ont-elles fait aucun pas vers l’instruction et un meilleur sort ? Les hommes sont-ils encore dans les forêts, manquant de tout, ignorants, féroces, stupides ? Les nations sont-elles encore toutes à ces temps où, sur le globe, l’œil ne voyait que des brigands brutes ou des brutes esclaves ? Si, dans un temps, dans un lieu, des individus sont devenus meilleurs, pourquoi la masse ne s’améliorerait-elle pas ? Si des sociétés partielles se sont perfectionnées, pourquoi ne se perfectionnerait pas la société générale ? Et si les premiers obstacles sont franchis, pourquoi les autres seraient-ils insurmontables ?

« Voudrais-tu penser que l’espèce va se détériorant ? Garde-toi de l’illusion et des paradoxes du misanthrope : l’homme, mécontent du présent, suppose au passé une perfection mensongère, qui n’est que le masque de son chagrin. Il loue les morts en haine des vivants, il bat les enfants avec les ossements de leurs pères.

Pour démontrer une prétendue perfection rétrograde, il faudrait démentir le témoignage des faits et de la raison ; et s’il reste aux faits passés de l’équivoque, il faudrait démentir le fait subsistant lie l’organisation de l’homme ; il faudrait prouver