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DISCIPLINE MILITAIRE.

L’usage de la baïonnette au bout du fusil est de son institution. Avant lui on s’en servait quelquefois, mais il n’y avait que quelques compagnies qui combattissent avec cette arme. Point d’usage uniforme ; point d’exercice ; tout était abandonné à la volonté du général. Les piques passaient pour l’arme la plus redoutable. Le premier régiment qui eut des baïonnettes, et qu’on forma à cet exercice, fut celui des fusiliers, établi en 1671.

La manière dont l’artillerie est servie aujourd’hui lui est due tout entière. Il en fonda des écoles à Douai, puis à Metz et à Strasbourg ; et le régiment d’artillerie s’est vu enfin rempli d’officiers presque tous capables de bien conduire un siège. Tous les magasins du royaume étaient pourvus, et on y distribuait tous les ans huit cents milliers de poudre. Il forma un régiment de bombardiers et un de houssards ; avant lui, on ne connaissait les houssards que chez les ennemis.

Il établit, en 1688, trente régiments de milice, fournis et équipés par les communautés. Ces milices s’exerçaient à la guerre sans abandonner la culture des campagnes[1].

Des compagnies de cadets furent entretenues dans la plupart des places frontières : ils y apprenaient les mathématiques, le dessin, et tous les exercices, et faisaient les fonctions de soldats. Cette institution dura dix années. On se lassa enfin de cette jeu-

    produire que des chevaux à un prix exorbitant ; et que les règlements pour les étalons distribués dans les provinces n’étaient, comme tant d’autres, qu’un impôt déguisé sous la forme d’un établissement de police. (K.)

  1. Ces milices, qui sont la pépinière des armées, contribuèrent à sauver la France dans les dernières campagnes du maréchal de Villars, et à la rendre victorieuse dans les campagnes de Louis XV. (Voltaire, Réfutation des notes critiques de M. de La Beaumelle.)

    — Ces milices étaient tirées au sort : ainsi on forçait des hommes à s’exposer malgré eux aux dangers de la guerre, sans leur permettre de racheter leur service personnel par de l’argent ; sans que les motifs de devoir qui pouvaient les attacher à leur pays fussent écoutés, sans qu’aucune paye les dédommageât de la perte réelle à laquelle on les condamnait, car un homme qui peut d’un moment à l’autre être enlevé à ses travaux par un ordre trouve plus difficilement de l’emploi qu’un homme libre.

    Les tirages forcés jetaient la désolation dans les villages, faisaient abandonner tous les travaux, excitaient entre ceux qui cherchaient à se dérober au sort, et ceux qui voulaient les contraindre à le subir, des haines durables, et souvent des querelles sanglantes. Ce fardeau tombait principalement sur les habitants des campagnes, qui les quittaient pour aller chercher dans les villes des emplois qui les missent à l’abri de ce fléau. M. de Voltaire n’avait jamais été le témoin d’un tirage de milice. Si ce spectacle, également horrible et déchirant, eût une fois frappé ses regards, il n’eût pu se résoudre à citer avec éloge cet établissement de Louis XIV. (K.) — L’auteur de cette note ne prévoyait pas l’établissement, pourtant bien prochain, de la conscription.