SERMON
PRÊCHÉ A BALE, LE PREMIER JOUR DE l’aN 1768,
PAR JOSIAS ROSSETTE ^
Commençons l’année, messieurs, par rendre grâce à Dieu du
plus grand événement qui ait signalé le siècle où nous vivons-,
ce n’est pas une bataille gagnée par les meurtriers aux gages d’un
roi qui demeure vers la Sprée, contre les meurtriers aux gages
des souverains qui habitent les bords du Danube, ou contre ceux
qui sortent des bords de la Garonne, de la Loire, et du Rhône,
pour aller en grand nombre porter la dévastation en Germanie,
et pour revenir en très-petit nombre dans leurs foyers.
Je n’ai point à vous entretenir de ces fureurs qui ont usurpé le nom de gloire, et qui sont plus détestées par les sages qu’elles ne sont vantées par les insensés. S’il est une conquête dans l’auguste entreprise que nous célébrons, c’est une conquête sur le fanatisme; c’est la victoire de l’esprit pacificateur sur l’esprit de persécution; c’est le genre humain rétabli dans ses droits, des bords de la Vistule aux rivages de la mer Glaciale, et aux montagnes du Caucase, dans une étendue de terre deux fois plus grande que le reste de l’Europe.
Deux têtes couronnées se sont unies pour rendre aux hommes ce bien précieux que la nature leur a donné, la liberté de conscience. Il semble que, dans ce siècle, Dieu ait voulu qu’on
1. Ce Sermon est du commencement de l'année 1708. Il en est mention dans les Mémoires secrets du 28 février, et dans la Gazette d’Utrecht, du 18 mars 1708. Il fut composé à l’occasion des troubles de Genève, et au moment où les Russes venaient d’entrer en Pologne pour y faire régner, disaient-ils, la tolérance. Voltaire, qui fut alors la dupe de Catherine II, présente aux Suisses désunis cette impératrice comme la sainte des philosophes. Voyez la Correspondance de Grimm, tome VIII, page 35.
2. Catherine II et Stanislas; voyez, tome XXVII, le Discours aux confédérés.