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AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.

A la fin de décembre 1731, Mme du Châtelet vint à Paris ; elle apportait une nouvelle tragédie de Voltaire à d’Argenntal, à qui l’auteur écrivait : « Si, après l’avoir lue, vous la jugez capable de paraître devant ce tribunal dangereux (le public), c’est une aventure périlleuse que j’abandonne à votre discrétion et que j’ose recommander à votre amitié. »

Il voulait garder et ne point garder l’incognito : « Vous pourriez faire présenter l’ouvrage à l’examen secrètement et sans qu’on me soupçonnât. Je consens qu’on me devine à la première représentation : je serais même fâché que les connaisseurs s’y pussent méprendre ; mais je ne veux pas que les curieux sachent le secret avant le temps, et que les cabales, toujours prêtes à accabler un pauvre liomme, aient le temps de se former. De plus, il y a des choses dans la pièce qui passeraient pour des sentiments très-religieux dans un autre, mais qui, chez moi, seraient impies, grâce à la justice qu’on a coutume de me rendre. »

Déjà, l’année précédente, il avait lu quelques scènes ébauchées de son nouvel ouvrage au comédien Dufresne et à Crébillon fils. Ils avaient été indiscrets. Un jeune poëte gascon, Lefranc de Pompignan, qui venait de débuter assez brillamment au théâtre par une tragédie de Didon, avait entendu parler du sujet d’Alzire, et, séduit par ce sujet, il s’était mis à le traiter de son côté et à composer une Zoraïde qui, pour le fonds, devait ressembler à Alzire. Voltaire, ne voulant pas que son œuvre fût déflorée, écrivit au mois de novembre 1730 une lettre aux comédiens français, que l’on trouvera dans la Correspondance. Il demandait ([uWlzire passât la première. Il s’alarmait trop tôt. Zoraïde n’était pas reçue définitivement ; les comédiens n’entendaient se prononcer qu’après une seconde lecture. L’auteur, très-présomptueux et très-arrogant, se fôcha de cette condition qu’on lui imposait. Il écrivit aux comédiens : « Je suis fort surpris, messieurs, que vous exigiez une seconde lecture d’une tragédie telle que Zoraïde. Si vous ne vous connaissez pas en mérite, je me connais en procédés, et je me souviendrai assez longtemps des vôtres pour ne pas m’occuper d’un théâtre où l’on distingue si peu les personnes et les talents. »

Théâtre. II
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