Page:Voyage à travers l’Impossible.djvu/24

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Tartelet : Qu’y-a-t-il donc, jeune Valdemar ?

Valdemar : Ce qu’il y a ?… Ce qu’il y a ?… Tenez… je ne peux plus parler tant je suis ému… Impossible de dire un mot, Tartelet, je suis trop émotionné.

Tartelet : Oui ! Et quand vous êtes émotionné, vos pieds rentrent en dedans ! Voyons donc ! Voyons donc !… ces pieds !

Valdemar : Il s’agit bien de ces bêtises là maintenant !

Tartelet (blessé) : Hein ? des bêtises !

Valdemar : Plus tard !… Tout ce que vous voudrez… des leçons de vous à dix sous le cachet, à cent francs, à mille francs le cachet !

Tartelet : Mais il a laissé sa raison dans le feu central ! Sa cervelle est cuite !

Valdemar : Non… elle n’est pas cuite… mais elle bout !… elle bout… elle bout !… Figurez-vous que ce caillou que j’ai reçu dans le dos…

Tartelet : Eh bien ?

Valdemar : Un diamant !… C’est un diamant qui vaut des millions !

Tartelet : Pas possible !

Valdemar : On m’en a offert cinq cent mille sequins, ici !…

Tartelet : Cinq cent mille sequins ici !

Valdemar : Oui, mon bon monsieur Tartelet !… Je suis millionnaire ! C’est-à-dire, nous sommes millionnaires.

Tartelet : Nous sommes millionnaires dites-vous ? Nous… vous avez dit nous ? Ah ! mon ami ! Ah ! mon bon ami… Vous avez bien dit nous… n’est-ce pas ?

Valdemar : Certainement, nous sommes millionnaires, mademoiselle Babichok et moi.

Tartelet : Ah ! Mademoiselle Babi… C’est juste, au fait !… Tous mes compliments, Wladimir… Ah ! pour le coup, elle vous épousera…

Valdemar : Si elle m’épousera ! plutôt deux fois qu’une ! Aussi, je viens de lui expédier une dépêche à Copenhague, lui annonçant ma fortune et mon prochain départ pour l’Europe… et j’attends sa réponse ! Vous figurez-vous quelle réponse ce sera ?

Tartelet : Oui, certes, je me le figure… Ainsi vous allez nous quitter ?

Valdemar : Oui… mais je ne suis pas égoïste, moi… je vous aime, Tartelet…

Tartelet : Merci…

Valdemar : J’embellirai la fin de votre existence, Tartelet ! quand vous serez vieux, vous viendrez finir vos jours dans notre maison… dans notre château, Tartelet, ce sera un palais…

Tartelet : Vieux ! mais je le suis, mon ami, je le suis !…

Valdemar : Oh ! non, vous ne l’êtes pas encore assez, Tartelet… Ce sont vos derniers… derniers jours que je veux embellir.

Tartelet (à part) : Il est bête mais il a bon cœur !… (haut) Ce cher Mathieu… les pieds en dehors, mon ami… les pieds en dehors !…

Valdemar : Oui, professeur, oui !… Ah ! mais non ! je suis riche moi !… J’ai le droit d’avoir les pieds en dedans, moi !… Tenez, voilà comment je veux marcher à l’avenir… (il marche les pieds en dedans) et j’en ferai venir la mode… Je suis riche ! et comme je tiendrai mon rang désormais ! Voilà la mode ! La vraie mode !


Scène VI

Les mêmes, le capitaine Anderson.
(Une embarcation pouvant contenir sept à huit personnes est venue accoster à quai.)

Anderson : Embarquez ! Embarquez !

(Georges et Ox s’embarquent.)

Tartelet : Adieu, jeune Valdemar.

Valdemar : Adieu, donc, mon cher professeur !

(Au moment où Tartelet va s’embarquer on apporte une dépêche.)

L’employé : Monsieur Valdemar ? Une dépêche pour Monsieur Valdemar.

Valdemar : C’est moi !… c’est moi !… C’est la réponse de mon adorée Babichok…

Tartelet : Sa réponse ?

Valdemar (lisant) : « Cher Valdemar ! Soyez heureux (parlé) Oh ! oui, je le suis… je le suis… (lisant) sans moi, je viens d’épouser… »

Tartelet : Vous dites ?

Valdemar (lisant) : « Sans moi, je viens d’épouser… » (parlé) comprends pas…

Tartelet : Voyons donc…

Anderson : Allons, messieurs, allons !

Tartelet : Voilà ! Voilà !

Valdemar (avec colère) : La malheureuse !… Ah ! je ne la reverrai jamais !

Tartelet : Croyez-moi, Valdemar… oubliez l’infidèle et venez avec nous.

Valdemar : Eh ! bien… Eh ! bien… oui, je pars… Et elle verra en me perdant, quel héros elle aura perdu !

Anderson : Allons, messieurs, allons !

(Tous deux s’embarquent.)

Le décor change

(Il frappe de son pied la paroi du navire, une ouverture se fait par laquelle il descend. Le Nautilus disparaît, puis revient en scène. Il s’entrouvre et laisse voir la chambre intérieure.)