Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/136

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rêves. Alors, il faut que des circonstances favorables, inouïes, sans exemple, m’apparaissent comme possibles et que je m’attribue la force énorme d’amener ces circonstances. Devant mes continuelles expériences de l’incroyable faiblesse et de la nature superficielle de toutes les personnes et de toutes les combinaisons, sur lesquelles s’appuyait la possibilité de mes conceptions, la résignation va toujours croissant, et m’inspire cette inertie, qui se détourne craintivement des prétentions inutiles. Je ne pense plus que très peu à cela…

Si quelque chose m’anime un peu maintenant pour cette entreprise parisienne de Tannhäuser, c’est tout simplement que l’indélébile propriété de ma nature est de s’agiter sous l’influence d’un but artistique. Péniblement, il faut que je m’efforce, toute la journée, pour m’intéresser à la chose : mais, sitôt que je suis à la répétition, la puissance immédiate de l’art a prise sur moi ; je prodigue mon être et mes forces, et cela pour une chose qui me laisse, au surplus, indifférent…

Voilà mon histoire, en vérité !…

Et pourtant, combien différent de cela, et tout autre, me voit non seulement le monde, mais encore toutes mes connaissances, et jusqu’à mon ami le plus dévoué ! Cette insensée, cette ineffaçable opinion de quiconque m’approche, voilà, m’est-il possible d’affirmer, ce dont je souffre presque uniquement. Je puis prêcher,