Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/209

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chose, doivent de toute façon venir au jour dans le vieux portefeuille : Dieu sait si cela se réalisera. Mais, je le répète, ce qui sera achevé ensuite figurera dans le nouveau portefeuille brun : il contient déjà quarante pages de partition.

Mais de quelle façon tout cela réussira-t-il ? Je n’en sais encore absolument rien.

Comment vous le faire comprendre ? — Reconnaissez qu’un Maître-Chanteur tellement peu complet a quelque peine à vous écrire. Si je vous disais, par exemple, qu’un Maître-Chanteur doit jouir de la tranquillité, je devrais immédiatement reconnaître que moi je n’en jouis point, et — ce qui est pire, — que je n’en jouirai peut-être jamais ! Voilà le contretemps, dont je me rends compte maintenant : je ne jouis pas de la tranquillité ! Je fuis les hommes, les relations, enfin toute société, le plus complètement possible, parce que, au fond, M tout me torture. Je suis comme cela, impossible d’y remédier ! — Maintenant je m’installe dans une belle demeure tranquille : chaque coin doit me plaîre ; j’ai comme la fièvre de m’y arranger l’installation la plus confortable, parce que je me dis : « tu nicheras là, tu y passeras tout le temps (au cas le plus favorable !) et y seras seul avec toi-même ! » Être seul ! Ah ! quelle volupté me fait tressaillir souvent, quand je me dis cela, sitôt que je ne suis pas seul du tout. Bon ! À présent je suis seul — Insensé !