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ment d’avertir et d’apitoyer… Gœthe ou Flaubert ne se fussent point émerveillés d’une telle esthétique aussi aisément que le put faire Alexandre Dumas… Loin de déceler que le poète eût été incapable de se donner à lui-même une explication du monde, elle révèle un effort héroïque pour projeter dans l’infini et dans l’éternel ce qui fut auparavant le tressaillement momentané de l’individu… » (Pierre Quillard, Mercure de France, août 1894.)




SURYA
HYMNE VÉDIQUE


Ta demeure est an bord des océans antiques.
Maître ! Les grandes Eaux lavent tes pieds mystiques.

Sur ta face divine et ton dos écumant
L’abîme primitif ruisselle lentement.
Tes cheveux qui brûlaient au milieu des nuages,
Parmi les rocs anciens déroulés sur les plages,
Pendent en noirs limons, et la boule des mers
Et les vents infinis gémissent au travers.
Sûryâ ! Prisonnier de l’ombre infranchissable,
Tu sommeilles couché dans les replis du sable.
Une haleine terrible habite en tes poumons ;
Elle trouble la neige errante au flanc des monts ;
Dans l’obscurité morne en grondant elle affaisse
Les astres submergés par la nuée épaisse,
Et fait monter en chœur les soupirs et les voix
Qui roulent dans le sein vénérable des bois.

Ta demeure est au bord des océans antiques,
Maître ! Les grandes Eaux lavent tes pieds mystiques.

Elle vient, elle accourt, ceinte de lotus blancs,
L’Aurore aux belles mains, aux pieds étincelants ;
Et tandis que, songeur, près des mers tu reposes,
Elle lie au char bleu les quatre vaches roses.
Vois ! Les palmiers divins, les érables d’argent,
Et les frais nymphéas sur l’eau vive nageant,
La vallée où pour plaire entrelaçant leurs danses
Tournent les Apsaras en rapides cadences,
Par la nue onduleuse et molle enveloppés,