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Tressaille, radieuse, ardente, rajeunie,
La fleur des vieux matins, comme un rouge ostensoir !

C’est l’astre opiniâtre ! Il reveut des victimes,
Il grandit, monte, éclate et, ramassant d’un bond
Tous les brouillards traînant sur l’Océan profond,
Les lance avec mépris par-dessus les abîmes.
Comme un lutteur qui marche en démasquant son front.

Et la lumière libre, invincible, ruisselle,
S’étale en nappes d’or sur les rochers fumants,
Coule et glisse à travers clochers et bâtiments :
Dans l’inondation de joie universelle
L’homme lâche a senti fuir ses ressentiments.

Tout bruit, tout s’agite ! Et dans le bleu des lames
Scintille et court le vol chantant des avirons !
Sur les quais en rumeur cris, appels et jurons,
Croisent le rire aigu des enfants et des femmes ;
L’enclume rouge sonne aux coups des forgerons !

Ah ! Soleil ! ah ! vainqueur, nous t’adorons encore !
L’irrésistible foi descend de ta beauté ;
L’angoisse où, sous la nuit, sombrait ma volonté,
Avec l’embrun des flots rassurés, s’évapore ;
C’est toi l’amour ? Alors, c’est toi la vérité !

Le bruit des vains sanglots se perd dans la bataille ;
Malgré moi, la clarté qui m’a rouvert les yeux
Rouvre en moi les longs vols du rêve audacieux,
Et dans tout ce qui souffre et tout ce qui travaille
L’espoir remonte enfin vers la bonté des cieux.

Puisque la vie est là, cruelle, mais certaine,
Dans l’ivresse d’agir il faut bien oublier !
J’ai les bras, j’ai le cœur d’un vaillant ouvrier ;
Je ne veux m’endormir que sur ma gerbe pleine ;
Rêvant d’un maître juste et qui saura payer.

À la vie ! À la vie ! Et tous dans la lumière !
Sur la glèbe ou les flots, main calleuse ou grands fronts,
Moissonneurs de pensers, ramasseurs d’épis blonds,
Tous les hommes, à l’œuvre, et les lâches derrière !
Toi, poète, en avant, pour sonner les clairons !


(Images fuyantes.)