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Pour nous encore aux dieux volant des étincelles,
Achevait aujourd’hui par l’osier des nacelles
L’attentat commencé par les rocs des Titans !


II


Élevez-vous, montez, sublimes Argonautes !
Au-dessus de la neige, à des blancheurs plus hautes,
Aussi loin que se creuse à l’atmosphère un lieu !
Oà monte le souci du front des astronomes,
Où monte le soupir du cœur des plus grands hommes,
Plus haut que nos saluts, plus loin que notre adieu !

Les câbles sont rompus ; tout à coup, seul et libre,
Le ballon qui poursuit son fuyant équilibre
S’engouffre, par l’espace aussitôt dévoré.
Dans un emportement qui ressemble à la joie,
Plus prompt que le faucon sur l’invisible proie,
Il s’élance, en glissant, vers son but ignoré.

Où vont ceux que ravit l’impétueuse allure
De cette étrange nef pendue à sa voilure,
Sans gouvernail ni proue, en une mer sans bord ?
Au gré de tous les vents, traînés à la dérive,
Ne songent-ils qu’à tendre où nul vivant n’arrive,
Navigateurs lancés pour n’atteindre aucun port ?
La foule ardente et fruste où survit Encelade
Dans leur ascension n’aime que l’escalade,
Les admire en tremblant et ne les comprend pas :
S’ils ne sont point partis pour mordre à l’ambroisie,
Et voir en son entier la nature éclaircie’,
Quel but, dit-elle, atteint ce formidable pas ?

« S’ils ne sont point partis pour la cime des choses
Pour y voir frissonner la première des causes,
Et ce frisson courir au dernier des effets,
Pour aller jusqu’à Dieu lire dans ses yeux mêmes
Le mot de la justice et du bonheur suprêmes,
Quels profits leur courage étrange aura-t-il faits ? »

Us répondent : « La cause et la fin sont dans l’ombre ;
Rien n’est sûr que le poids, la figure et le nombre ;
Nous allons conquérir un chiffre seulement ;