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Qu’il te soit accordé, dans l’exil de la terre,
D’être l’agneau sans cris qui donne sa toison,

D’être l’enfant vêtu de lin et d’innocence,
D’oublier ton pauvre amour-propre et ton essence,
Enfin, de devenir un peu semblable à moi

Qui fus, durant les jours d’Hérode et de Pilate,
Et de Judas et de Pierre, pareil à toi
Pour souffrir et mourir d’une mort scélérate !



Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs
Si doux qu’ils sont encor d’ineffables délices,
Je te ferai goûter sur terre mes prémices,
La paix du cœur, l’amour d’être pauvre, et mes soirs

Mystiques, quand l’esprit s’ouvre aux calmes espoirs
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice
Eternel, et qu’au ciel pieux la lune glisse,
Et que sonnent les angélus roses et noirs,

En attendant l’assomption dans ma lumière,
L’éveil sans fin dans ma charité coutumière,
La musique de mes louanges à jamais,

Et l’extase perpétuelle et la science,
Et d’être en moi parmi l’aimable irradiance
De tes souffrances, enfin miennes, que j’aimais I

VIII

— Ah ! Seigneur, qu’ai-je ? Hélas ! me voici tout en larmes
D’une joie extraordinaire : votre voix
Me fait comme du bien et du mal à la fois,
Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes.

Je ris, je pleure, et c’est comme un appel aux armes
D’un clairon pour des champs de bataille où je vois
Des anges bleus et blancs portés sur des pavois.
Et ce clairon m’enlève en de fières alarmes.

J’ai l’extase et j’ai la terreur d’être choisi.
Je suis indigne, mais je sais votre clémence.
Ah ! quel effort, mais quelle ardeur ! Et me voici