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L’EXIL DU POÈTE


À M. Paul Bourget


Le poète est semblable aux oiseaux exilés
Qui n’ont pu retrouver le ciel qui les vit naître,
Et cherchent, sang jamais pouvoir le reconnaître,
Le nid d’où, pleins d’espoir, ils se sont envolés.

Ainsi que ces bannis toujours inconsolés,
Loin du foyer natal dont la douceur pénètre
Encor mes souvenirs de paix et de bien-être,
J’erre, las de la vie, en des chemins brûlés.

Ô fraîcheur de la source ! ô baisers de ma mère !
La soif de l’infini brûle ma bouche amère
Et laisse dans mon cœur l’angoisse d’un remord.

Et quand je trouve enfin la fontaine où mon âme
Près d’un berceau d’enfant désaltère sa flamme,
Un mirage cruel m’appelle vers la mort !


(Choix de poésies.)


STOÏCISME


À Édouard Grenier.


Vous avez lu parfois dans mes grands yeux songeurs
Le regret sans espoir des anciennes chimères ;
Vous avez entendu sur mes lèvres amères
Pleurer le souvenir de mes premiers bonheurs.

Ami, vous avez eu pitié de mes douleurs,
Et dans le doux parler dont se servent les mères
Pour bercer de leurs fils les chagrins éphémères,
Vous soulagez ma peine et consolez mes pleurs.

Vous m’avez enseigné la volupté suprême
D’exiler mon orgueil au profond de moi-même
Et de tuer mon rêve en étouffant mon cœur.

Je suis enfin guéri de mes pensers moroses,
Et, sans soupir perdu ni sourire vainqueur,
Je vois d’un œil égal les frimas et les roses.


(Choix de poésies.)