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vers, simple épitaphe de l’auteur par lui-même, citée par M. Van Bever dans une intéressante notice sur Corbière[1], à laquelle nous empruntons les détails qu’on vient de lire :

Mélange adultère de tout :
De la fortune et pas le sou,
De l’énergie et pas de force,
La liberté, mais une entorse.
Du cœur, du cœur ! de lame, non ! —
Des amis, pas un compagnon,
De l’idée et pas une idée,
De l’amour et pas une aimée,
La paresse et pas le repos ;
Vertus chez lui furent défauts.
Ame blasée, inassouvie ;
Mort, mais pas guéri de la vie ;
Gâcheur de vie hors de propos,
Le corps à sec et la tête ivre,
Espérant, niant l’avenir,
Il mourut en s’attendant vivre,
Et vécut s’attendant mourir.




LA FIN


Oh ! combien de marins, combien de capitaines,
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !…

(V. Hugo, Oceano nox.)


Eh bien, tous ces marins — matelots, capitaines,
Dans leur grand Océan à jamais engloutis…
Partis insoucieux pour leurs courses lointaines,
Sont morts — absolument comme ils étaient partis.
Allons ! c’est leur métier ; ils sont morts dans leurs bottes !
Leur boujaron au cœur, tout vifs dans leurs capotes…
— Morts… Merci : la Camarde a pas le pied marin ;

— Eux, allons donc : Entiers ! enlevés par la lame,
Ou perdus dans un grain…
Un grain… est-ce la mort, ça ? La basse voilure
Battant à travers l’eau ! — Ça se dit encombrer…
Un coup de mer plombé, puis la haute mâture
Fouettant les flots ras — et ça se dit sombrer.

  1. Ad. Van Bever et Paul Léutaud, Poètes d’aujourd’hui (Société du Mercure de France, Paris).