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dans sa ville natale, qu’il devait quitter encore pour voir l’Italie. La guerre de 1870, la mort de sa vieille mère et celle de son frère, le peintre Jules Grenier, l’éprouvèrent cruellement. Résidant l’hiver à Paris, en été à Baume, dans sa maison paternelle, si hospitalière, qu’il a décrite avec tant d’amour dans ses vers, le doux vieillard partagea les dernières années de sa vie entre les devoirs de l’amitié, le culte resté vivant en lui de la belle poésie et la pratique de la bienfaisance. Il est mort à Baume-les-Dames le 5 décembre 1901, à l’âge de quatre-vingt deux ans. » (Frédéric Bataille.)

Édouard Grenier, qui rappelle les pures beautés d’André Chénier et de Lamartine, est, dit M. Jules Lemaître, « le représentant distingué d’une génération d’esprits meilleure et plus saine que la nôtre. On ne sait si son œuvre nous intéresse plus par elle-même ou par les souvenirs qu’elle suscite, mais le charme est réel. Toute la grande poésie romantique se réfléchit dans ses vers, non effacée, mais adoucie, comme dans une eau limpide… Chacune de ses œuvres est un de ces rêves où l’on s’enferme et où l’on vit des mois et des ans, comme dans une tour enchantée… » La gloire du maître qui chanta en vers raciniens la douceur des rêves amoureux et la sainte amitié restera l’une des plus pures et des plus durables de la poésie contemporaine.




AMITIÉ


Je connais sur la terre une bien douce chose
Au cœur blessé,
Un asile où, poudreux, le voyageur repose
Son pied lassé ;
Une source qui fuit de son bassin de mousse
À flots égaux,
Où la lèvre peut boire avec l’eau fraîche et douce
L’oubli des maux.
Je sais un doux parfum, un baume salutaire,
Rayon d’avril
Que l’ange même envie aux enfants de la terre,
Dans leur exil.
Eh bien ! le doux parfum, l’eau fraîche, le dictame,
L’asile sur
C’est pour un cœur souffrant une amitié de femme
Où tout est pur,

(Prirnavera.)