Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/540

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Coquelicot, pervenche et mauve !
Au premier tour, faut s’embrasser.
Au deuxième tour, faut passer,
Au troisième tour, on se sauve !

« C’était un sire de Bordeaux,
Époux d’une reine Eglantine… »
Ses petits bas sur sa bottine,
Son chapeau flottant sur son dos,

Elle se sauvait, ma Jeannette,
Ma mignonne aux cheveux dorés,
Son rire tintait sur les prés
Comme une argentine sonnette.

Puis, dès qu’on la voulait saisir,
Elle m’appelait à son aide.
Je sentais son cœur d’oiseau tiède
Battre de crainte et de plaisir.

Le soleil a tari la source
Et desséché le vert roseau,
O pauvre petit cœur d’oiseau
Qui s’est arrêté dans sa course !

De mes vieilles mains j’ai planté
Des Heurs sur elle, au cimetière ;
Sa tombe embaume, tout entière,
Sous les lis et les roses-thé.

Mais je m’en reviens, je pénètre
Dans sa chambre claire, en tremblant,
Je revois le banc de bois blanc,
En place, contre la fenêtre.

Je voudrais pleurer, pas moyen !
O mon Dieu, des douleurs pareilles !
Les enfants et les bonnes vieilles
Ensemble s’accordent si bien !

Daignez, mon Dieu, daignez m’entendre
Je n’ai plus à vivre, a présent,
Je suis seule, à quatre-vingts ans,
Et me sens si lasse d’attendre !

(Novembre.)