Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/330

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périsse mon jardin, s’il m’est donné de voir un saint homme face à face et de louer Dieu en sa compagnie. » Et son abattement ne dura guère.

Il était sur pied avant l’aube, sous les étoiles pâlissantes, et quittant le bois où il avait dormi il commença à gravir la face d’une haute falaise dont il lui fallait saisir les aspérités avec les mains, tandis qu’à chaque pas qu’il gagnait, un rocher semblait se pencher au-devant de lui comme pour le repousser dans l’abîme. De la sorte, les pieds meurtris et saignants, il atteignit un haut plateau pierreux au moment même où le soleil s’enfonçait dans la mer : et, dans la lumière pourprée, il vit une roche creuse, et dans le creux, le saint se tenant assis. L’ermite tomba à genoux, en louant Dieu, puis s’étant relevé, courut au travers du plateau vers la roche. En approchant, il vit que le saint était un très vieil homme, vêtu d’une peau de chèvre et portant une longue barbe blanche. Il demeurait assis, immobile, les mains sur les genoux, et fixait sur le soleil couchant deux orbites sanguinolents. Près de lui était un jeune garçon, également vêtu de peaux, occupé à chasser les mouches de son visage, mais elles revenaient sans cesse se poser sur l’humeur qui coulait de ses yeux.