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« de percer jusques aux Pyrénées, et s’opposèrent à son passage » … « bâtirent la ville d’Arreau » et que c’est de là qu’elle tire son nom[1].

Arréou, Arriéou, Réou, Riéou, Arrîou, Rîou, etc., je l’ai déjà dit, signifient « rivière, ruisseau ». La petite ville d’Arréou (Arreau), située au confluent de trois grandes vallées, bâtie sur les rives des trois Nestes[2] qui les arrosent, n’a rien à voir avec les Arevaces ou les Arevaci quant à la formation étymologique de son nom. C’est bien la bilo d’Arréou, comme disent les indigènes, c’est-à-dire « la ville de la rivière », que s’appelle Arreau, et ce nom caractérise parfaitement sa position géographique.

En Provence, les mots Bâou, Bôou, — usités notamment dans le petit massif montagneux dressé au Nord de la Crâou (Crau) d’Arles, entre le Rhône et la Durance, et dans les Alpes-Maritimes, — s’appliquent à des escarpements soutenant les crêtes et les cimes, de même qu’aux gros quartiers de pierres encombrant le lit des torrents.

Entre la Cagne et la rive droite du Var se trouve lou Bâou de San-Jannét (Bau de Saint-Jannet), et au Nord de celui-ci lou Bâou de la Gôoude (Bau de la Gaude), c’est-à-dire « l’escarpement de la forêt ».

Il y a encore lou Bâou-Blanc (Bau-Blanc) et lou Bâou-Négré (Bau-Noir). Lou Bâou dé quatr’ouros (rocher de quatre heures) est à Toulon, etc. : Le mépris de la forme dialectique et le goût exagéré de la francisation ont fait que tous ces Bâous ont été transformés en « Bau ». Cette transfiguration de la forme primitive, regrettable à tous égards, a occasionné bien des méprises. C’est ainsi que, pour avoir confondu le substantif provençal Bâou « rocher, masse de pierre », avec l’adjectif « Beau, Bel », du Bâou-Blanc on en a fait le « Beau-Blanc », et du Bâou-Négré le « Beau-Nègre ! ».

Quant au Bâou-Baisso « escarpement, rocher du bas-fond », celui-ci a été travesti de façon encore plus divertissante que les précédents. D’abord, selon la coutume, on a donné à Bâou la forme de « Bau » ; Baïsso[3] « dépression de terrain, bas-fond, lieu bas »,

  1. A. A. Itinéraire topographique et historique des Hautes-Pyrénées… 1 vol. in-8o. Paris, Tarbes et Bagnères, 1833 (3e édition, p. 205-206).
  2. Neste, dans les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne est synonyme de « rivière ». C’est un nom générique au même titre que Garonne, Gave, Adour, etc.
  3. Baïssa, Baïsse, Baïsso, Baïssière, Bassia, Bassiaret (dimin.), etc., signifient les endroits les plus bas d’une plaine ou d’un plateau de montagnes, les en-