Page:Œuvres complètes, Impr. nat., Actes et Paroles, tome III.djvu/21

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Au moment de franchir le seuil, Gobert, le chef, ôta sa casquette et dit :

— Tête nue !

Tous se découvrirent.

Une voix cria :

— Nous avons besoin d’armes.

Une autre ajouta :

— S’il y en a ici, nous les prendrons.

— Sans doute, dit le chef.

L’antichambre était une grande pièce sévère, éclairée, à une encoignure, d’une étroite et longue fenêtre, et meublée de coffres de bois le long des murs, à l’ancienne mode espagnole.

Ils y pénétrèrent.

— En ordre ! dit le chef.

Ils se rangèrent trois par trois, avec toutes sortes de bourdonnements confus.

— Faisons silence, dit le chef.

Tous se turent.

Et le chef ajouta :

— S’il y a des armes, nous les prendrons.

La vieille femme, toute tremblante, les précédait.

Ils passèrent de l’antichambre à la salle à manger.

— Justement ! cria l’un d’eux.

— Quoi ? dit le chef.

— Voici des armes.

Au mur de la salle à manger était appliquée, en effet, une sorte de panoplie en trophée.

Celui qui avait parlé reprit :

— Voici un fusil.

Et il désignait du doigt un ancien mousquet à rouet, d’une forme rare.

— C’est un objet d’art, dit le chef.

Un autre insurgé, en cheveux gris, éleva la voix :

— En 1830, nous en avons pris de ces fusils-là, au musée d’artillerie.

Le chef repartit :

— Le musée d’artillerie appartenait au peuple.

Ils laissèrent le fusil en place.

À côté du mousquet à rouet pendait un long yatagan turc dont la lame était d’acier de Damas, et dont la poignée et le fourreau, sauvagement sculptés, étaient en argent massif.

— Ah ! par exemple, dit un insurgé, voilà une bonne arme. Je la prends. C’est un sabre.