Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/19

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Il est essentiel de les analyser et d’en étudier la nature.

Prenons un producteur quel qu’il soit ; quel est son intérêt immédiat ? Il consiste en ces deux choses, 1° que le plus petit nombre possible de personnes se livrent au même travail que lui ; 2° que le plus grand nombre possible de personnes recherchent le produit de ce même travail ; ce que l’économie politique explique plus succinctement en ces termes : que l’offre soit très-restreinte et la demande très-étendue ; en d’autres termes encore : concurrence limitée, débouchés illimités.

Quel est l’intérêt immédiat du consommateur ? Que l’offre du produit dont il s’agit soit étendue et la demande restreinte.

Puisque ces deux intérêts se contredisent, l’un d’eux doit nécessairement coïncider avec l’intérêt social ou général, et l’autre lui être antipathique.

Mais quel est celui que la législation doit favoriser, comme étant l’expression du bien public, si tant est qu’elle en doive favoriser aucun ?

Pour le savoir, il suffit de rechercher ce qui arriverait si les désirs secrets des hommes étaient accomplis.

En tant que producteurs, il faut bien en convenir, chacun de nous fait des vœux antisociaux. Sommes-nous vignerons ? nous serions peu fâchés qu’il gelât sur toutes les vignes du monde, excepté sur la nôtre : c’est la théorie de la disette. Sommes-nous propriétaires de forges ? nous désirons qu’il n’y ait sur le marché d’autre fer que celui que nous y apportons, quel que soit le besoin que le public en ait, et précisément pour que ce besoin, vivement senti et imparfaitement satisfait, détermine à nous en donner un haut prix : c’est encore la théorie de la disette. Sommes-nous laboureurs ? nous disons, avec M. Bugeaud : Que le pain soit cher, c’est-à-dire rare, et les agriculteurs feront bien leurs affaires : c’est toujours la théorie de la disette.

Sommes-nous médecins ? nous ne pouvons nous empê-