Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/345

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ne lui a pris. C’est donc bien follement que nous prenons autour de lui l’humble attitude de mendiants. Il lui est radicalement impossible de conférer un avantage particulier à quelques-unes des individualités qui constituent la communauté, sans infliger un dommage supérieur à la communauté entière.

Il se trouve donc placé, par nos exigences, dans un cercle vicieux manifeste.

S’il refuse le bien qu’on exige de lui, il est accusé d’impuissance, de mauvais vouloir, d’incapacité. S’il essaie de le réaliser, il est réduit à frapper le peuple de taxes redoublées, à faire plus de mal que de bien, et à s’attirer, par un autre bout, la désaffection générale.

Ainsi, dans le public des espérances, dans le gouvernement deux promesses : beaucoup de bienfaits et pas d’impôts. Espérances et promesses qui, étant contradictoires, ne se réalisent jamais.

N’est-ce pas là la cause de toutes nos révolutions ? Car entre l’État, qui prodigue les promesses impossibles, et le public, qui a conçu des espérances irréalisables, viennent s’interposer deux classes d’hommes : les ambitieux et les utopistes. Leur rôle est tout tracé par la situation. Il suffit à ces courtisans de popularité de crier aux oreilles du peuple : « Le pouvoir te trompe ; si nous étions à sa place, nous te comblerions de bienfaits et t’affranchirions de taxes. »

Et le peuple croit, et le peuple espère, et le peuple fait une révolution.

Ses amis ne sont pas plus tôt aux affaires, qu’ils sont sommés de s’exécuter. « Donnez-moi donc du travail, du pain, des secours, du crédit, de l’instruction, des colonies, dit le peuple, et cependant, selon vos promesses, délivrez-moi des serres du fisc. »

L’État nouveau n’est pas moins embarrassé que l’État ancien, car, en fait d’impossible, on peut bien promettre,