Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tune, à quelque belle jeune fille noble et riche : en voilà une qui se révolte contre l’esprit du siècle ?… et le poëte lui répond par un coup de bâton sur le cœur…

— Riche ou pauvre, jeune ou vieille, belle ou laide, cette fille a raison, elle a de l’esprit, elle roule le poëte dans le bourbier de l’intérêt personnel, s’écriait l’Honneur, elle mérite une réponse, sincère, noble et franche, et avant tout l’expression de ta pensée ! Examine-toi ! Sonde ton cœur, et purge-le de ses lâchetés ! Que dirait l’Alceste de Molière ?

Et La Brière, parti du boulevard Poissonnière, allait si lentement, perdu dans ses réflexions, qu’une heure après il atteignait à peine au boulevard des Capucines. Il prit les quais pour se rendre à la Cour des Comptes alors située auprès de la Sainte-Chapelle. Au lieu de vérifier des comptes, il resta sous le coup de ses perplexités.

— Elle n’a pas six millions, c’est évident, se disait-il ; mais la question n’est pas là…

Six jours après, Modeste reçut la lettre suivante.



IV.
à mademoiselle O. d’Este-M.


« Mademoiselle,

» Vous n’êtes pas une d’Este. Ce nom est un nom emprunté pour cacher le vôtre. Doit-on les révélations que vous sollicitez à qui ment sur soi-même ?

» Écoutez, je réponds à votre demande par une autre : Êtes-vous d’une famille illustre ? d’une famille noble ? d’une famille bourgeoise ?

» Certainement la morale ne change pas, elle est une ; mais ses obligations varient selon les sphères. De même que le soleil éclaire diversement les sites, y produit les différences que nous admirons, elle conforme le devoir social au rang, aux positions. La peccadille du soldat est un crime chez le général, et réciproquement. Les observances ne sont pas les mêmes pour une paysage qui moissonne, pour une ouvrière à quinze sous par jour, pour la