Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/461

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qui vous aime. Votre père vous appelle auprès de lui. Vous vous mariez avec un homme titré, jeune, beau, qui vous adore.

En ce moment, les pas lourds de la coquette veuve qui descendait interrompirent les prophéties de Vautrin.

— Voilà mamman Vauquerre belle comme un astrrre, ficelée comme une carotte. N’étouffons-nous pas un petit brin ? lui dit-il en mettant sa main sur le haut du busc ; les avant-cœurs sont bien pressés, maman. Si nous pleurons, il y aura explosion ; mais je ramasserai les débris avec un soin d’antiquaire.

— Il connait le langage de la galanterie française, celui-là ! dit la veuve en se penchant à l’oreille de madame Couture.

— Adieu, enfants, reprit Vautrin en se tournant vers Eugène et Victorine. Je vous bénis, leur dit-il en leur imposant ses mains au-dessus de leurs têtes. Croyez-moi, mademoiselle, c’est quelque chose que les vœux d’un honnête homme, ils doivent porter bonheur, Dieu les écoute.

— Adieu, ma chère amie, dit madame Vauquer à sa pensionnaire. Croyez-vous, ajouta-t-elle à voix basse, que monsieur Vautrin ait des intentions relatives à ma personne ?

— Heu ! heu !

— Ah ! ma chère mère, dit Victorine en soupirant et en regardant ses mains, quand les deux femmes furent seules, si ce bon monsieur Vautrin disait vrai !

— Mais il ne faut qu’une chose pour cela, répondit la vieille dame, seulement que ton monstre de frère tombe de cheval.

— Ah ! maman.

— Mon Dieu, peut-être est-ce un péché que de souhaiter du mal à son ennemi, reprit la veuve. Eh ! bien, j’en ferai pénitence. En vérité, je porterai de bon cœur des fleurs sur sa tombe. Mauvais cœur ! il n’a pas le courage de parler pour sa mère, dont il garde à ton détriment l’héritage par des micmacs. Ma cousine avait une belle fortune. Pour ton malheur, il n’a jamais été question de son apport dans le contrat.

— Mon bonheur me serait souvent pénible à porter s’il coûtait la vie à quelqu’un, dit Victorine. Et s’il fallait, pour être heureuse, que mon frère disparût, j’aimerais mieux toujours être ici.

— Mon Dieu, comme dit ce bon monsieur Vautrin, qui, tu le vois, est plein de religion, reprit madame Couture, j’ai eu du plaisir à savoir qu’il n’est pas incrédule comme les autres, qui parlent