Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/54

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pour le rival de tous les maris, pour le monde qui calomnie ou déchire toutes les femmes. Inspirée par un amour vrai, car l’amour a, comme les autres êtres, l’instinct de sa conservation, madame Jules agissait tout autrement, et trouvait, dans les constants bénéfices de son bonheur, la force nécessaire d’accomplir ces devoirs minutieux desquels il ne faut jamais se relâcher, parce qu’ils perpétuent l’amour. Ces soins, ces devoirs, ne procèdent-ils pas d’ailleurs d’une dignité personnelle qui sied à ravir ? N’est-ce pas des flatteries ? n’est-ce pas respecter en soi l’être aimé ? Donc madame Jules avait interdit à son mari l’entrée du cabinet où elle quittait sa toilette de bal, et d’où elle sortait vêtue pour la nuit, mystérieusement parée pour les mystérieuses fêtes de son cœur. En venant dans cette chambre, toujours élégante et gracieuse, Jules y voyait une femme coquettement enveloppée dans un élégant peignoir, les cheveux simplement tordus en grosses tresses sur sa tête ; car, n’en redoutant pas le désordre, elle n’en ravissait à l’amour ni la vue ni le toucher ; une femme toujours plus simple, plus belle alors qu’elle ne l’était pour le monde ; une femme qui s’était ranimée dans l’eau, et dont tout l’artifice consistait à être plus blanche que ses mousselines, plus fraîche que le plus frais parfum, plus séduisante que la plus habile courtisane, enfin toujours tendre, et partant toujours aimée. Cette admirable entente du métier de femme fut le grand secret de Joséphine pour plaire à Napoléon, comme il avait été jadis celui de Césonie pour Caïus Caligula, de Diane de Poitiers pour Henri II. Mais s’il fut largement productif pour des femmes qui comptaient sept ou huit lustres, quelle arme entre les mains de jeunes femmes ! Un mari subit alors avec délices les bonheurs de sa fidélité.

Or, en rentrant après cette conversation, qui l’avait glacée d’effroi et qui lui donnait encore les plus vives inquiétudes, madame Jules prit un soin particulier de sa toilette de nuit. Elle voulut se faire et se fit ravissante. Elle avait serré la batiste du peignoir, entr’ouvert son corsage, laissé tomber ses cheveux noirs sur ses épaules rebondies ; son bain parfumé lui donnait une senteur enivrante ; ses pieds nus étaient dans des pantoufles de velours. Forte de ses avantages, elle vint à pas menus, et mit ses mains sur les yeux de Jules, qu’elle trouva pensif, en robe de chambre, le coude appuyé sur la cheminée, un pied sur la barre. Elle lui dit alors à l’oreille en l’échauffant de son haleine, et la mordant du bout des